Monologue dramatique écrit et interprété par Clémentine Yelnik avec la collaboration à la mise en scène de Clélia Pires.
"D’où va-t’on ?". C’est une très bonne question et il faut remercier Clémentine Yelnik, alias Victoire Coschmick, de l’avoir enfin posé après les événements que l’on a vécu et qui, sans faire aucune polémique et ne risquer de froisser personne, remonte à ce jour d’avant le premier jour où le premier bonjour est sorti d’une bouche humaine.
D’habitude, quand un personnage inhabituel perturbe les habitudes des spectateurs qui s’attendaient à voir quelqu’un de différent, il est commode d’écrire qu’il possède son univers personnel. Un univers tellement personnel qu’il suffit d’un jeu de lumière ou d’une grimace pour que tout le public y pénètre, ce qui est quand même bizarre pour quelque chose qu’on présente comme hors du commun.
Quand elle surgit en Victoire Coschmick, Clémentine, elle, n’a pas la prétention de faire semblant d’être ailleurs et, quinze secondes plus tard, de donner des gages en gags faciles pour que le public la suive commodément dans son univers. Ce qu’elle cherche et recherche, sac au dos, dans son beau manteau bleu qui ressemble à celui d’un Petit Prince qui serait en route pour les tranchées, c’est à montrer qu’ici et ailleurs, c’est la même chose.
Que ce qui passe par sa tête peut aussi passer par la tête des spectateurs. Qu’il ne s’agit pas de rire à rire fixe toutes les trente secondes mais de partager des mots, des idées, des impressions avant qu’ils s’envolent. Au rire facile du « one man show », elle préfère attraper les sourires bienveillants.
Car, désolé Bergson, chez elle, le rire n’est pas une mécanique plaquée sur du vivant, mais une poétique partagée. C’est peut-être pour cela qu’elle a sur la tête un casque en cuir d’aviateur casse-cou. Car, Victoire vole au-dessus d’un nid de coucou, dans un territoire réservé à l’enfance, cette enfance cruelle et justicière où les chiens qui mordent les facteurs explosent comme dans les "cartoons".
Attention ! Si "D’où va-t-on ?" n’est pas un "one-woman-show", ce n’est pas non plus un "seule-en-scène". Car, jamais la scène n’a été plus peuplée qu’au moment où elle l’arpente : Louis de Neandertal, Cro-Magnon, Galilée, Napoléon et tous les humains depuis le premier matin du monde sont à ses côtés.
Et puis, il y a la voix-off, celle du Dieu journaliste qui l’interroge inlassablement depuis la nuit des temps et tous les jeudis. Belle voix-off, douce et légèrement sudiste, qu’elle a confié à un anartiste, un anti-journaliste qui pourrait reprendre Radioscopie, Robert André Robert.
C’est Pierre Carles qui se prête au jeu : spécialisé dans les interviews de "monstres sacrés" du journalisme qui ne veulent jamais dire la vérité, le voilà ici enfin atteignant ses fins : Victoire Coschmick ne ment jamais. Sa vérité est aussi aimante que désarmante. C’est celle d’un clown défroqué au nez bleu et au cœur rouge.
Bien entendu, tout ça est à prendre ou à laisser. Il y aura ceux qui rentreront sans clé dans ce studio de radio éternel et puis ceux qui, malgré leurs efforts, resteront devant le paillasson de ce drôle d’univers.
A ces derniers, on conseillera de ne pas faire d’efforts ne pas rire avec Victoire Coschmick, c’est un plaisir plus fort que de rire avec tant d’autres. Et puis, ils auront, malgré tout, pu découvrir en Clémentine Yelnik une actrice singulière et un petit bout de femme peu commun. |