Comédie dramatique de Marius von Mayenburg, mise en scène de Maïa Sandoz, avec Serge Biavan, Adèle Haenel, Paul Moulin et Maïa Sandoz.
Dans un opus de format court en forme de conte biopunk intitulé "Le moche", Marius von Mayenburg, auteur dramatique allemand à l'audience internationale et régulièrement à l'affiche en France, imbrique plusieurs thématiques par la médiation d'un phénomène de société et la réécriture du thème du monstre.
Il aborde les injonctions sociétales paradoxales qui tendent à l'uniformisation des individus tout en exaltant le droit à la différence, de l'oppression sociale sur l'individu par une double action sur le besoin de reconnaissance, d'une part, le désir d'estime sociale et, d'autre part, la quête d'amour, et du rapport identitaire de l'homme avec son image et l'altérité.
Pour le monde dans lequel vit Monsieur Lette, la beauté des laids chantée par Serge Gainsbourg ne constitue pas un viatique.
Car pour son épouse trouve sa face catastrophique et évite de le regarder même si elle l'aime et son employeur, s'il reconnaît ses compétences d'ingénieur de haut niveau, considère qu'il n'est pas pourvu d'un visage "vendeur" pour assurer la promotion des produits qu'il conçoit.
Son imperfection physique est érigée en "tare" rédhibitoire dans une société post-moderne occidentale soumise à l'impératif du paraître et compromet son avenir professionnel sur lequel pèsent des impératifs de performance et d'ascension sous peine d'être primé et éjecté du système.
Il doit donc se rendre à l'évidence et accepte une opération de chirurgie esthétique radicale qui s'avère une parfaite réussite aux conséquences inattendues.
Dans une scénographie minimaliste de Catherine Cosme, un espace salle de réunion sommaire et esquisse d'un salon vintage, la mise en scène de Maïa Sandoz , comédienne et metteuse en scène qui officie également au sein du Collectif DRAO, est judicieuse car elle ne vise pas à l'illustration réaliste de la succession causale d'événements conçue par l'auteur, ceux-ci s'enchaînant sans intermède autre que quelques notes égrenées à la guitare par Christophe Danvin.
La direction d'acteur est exemplaire pour l'interprétation de partitions aux dialogues à la langue du quotidien, dépourvues de tout psychologisme mais néanmoins sous-tendues de violence, dans un registre de jeu hybride incluant distanciation et expressionnisme grotesque.
Ainsi, sans changement de costume ni de physionomie, naviguant entre plusieurs personnages/figures fonctionnant en miroir, les comédiens - Paul Moulin, Monsieur Lette, Serge Biavan, le chef d'entreprise et le chirurgien, Maïa Sandoz, l'épouse, la maîtresse et la riche rombière mère castratrice, Adèle Haenel, le collègue et le fils névrosé - sont tous excellents dans cette fable édifiante. |