Comédie dramatique de Fabrice Melquiot, mise en scène de Agathe Quelquejay, avec, en alternance, Jean Barlerin, Merryl Beaudonnet, Adrien Capitaine, Leïla Déaux, Fabian Ferrari, Agathe Quelquejay et Mathieu Reverdy.
Noir total. Deux voix et deux lampes frontales se déplacent, arrosant à 360 degrés l'espace alentour (spectateurs compris). Dans le cimetière, Dan et Ivan déterrent les morts pour les délester leurs bijoux: chaînes, bagues et même dents en or...
Première scène et déjà on est saisi par l'ambiance que le Collectif Services Retouches confère au texte de Fabrice Melquiot. Les séquences rythmées s'enchaînent avec fluidité. C'est propre, précis et le travail collectif marque avec plus ou moins de réussite.
On est conquis par l'énergie et la solidarité qui règnent sur le plateau, on l'est moins en revanche par les tenues dont le stylisme est un peu trop évident. Mais bravo également pour l'utilisation de l'espace. L'ensemble tient au final largement la route et nous embarque.
De petites ampoules réparties sur toute la scène brillent au plafond. Les personnages errent, se frôlent et se raccrochent les uns aux autres pour aller de l'avant dans une ambiance de cimetière près de la mer. Le spectacle qui tourne depuis un bon moment maintenant a évolué depuis le Théâtre Pixel où il a démarré, en passant le Théâtre Côté Cour.
Les intermèdes chantés ou les chorégraphies décalées et surprenantes qui imprimaient le style de la troupe ont laissé place à un accompagnement musical des plus classiques avec la version originale des titres rock choisis (très judicieusement d'ailleurs). On peut le regretter mais cela donne au spectacle un côté plus sombre, option retenue par la compagnie, après avoir exploré plusieurs pistes.
Il faut dire que, jonglant en permanence entre gravité et humour, la poésie rock de Fabrice Melquiot dans "Autour de ma pierre, il ne fera pas nuit" est tout en contrastes et les différentes notes, en se mélangeant, touchent au cœur. Le dosage peut donc en changer vraiment la tonalité générale.
La pièce dresse un portrait savoureux et désespéré d'humains à la dérive. Ici, ils longent les murs, se frôlent, se télescopent, se réchauffent et embrassent le sol. Les répliques féroces ou drôles font mouche et toute la pièce fait se côtoyer le monde des morts et celui des vivants dans un grand cri d'amour. Le texte est cru, les personnages sont marqués du sceau de la catastrophe.
Composant avec talent tous les personnages attachants de cette histoire à dormir debout, les comédiens sont tous formidables. Agathe Quelquejay (Laurie) est d'un naturel confondant. Merryl Beaudonnet est émouvante en mariée devenue veuve. Jean Barlerin est un Dan plein de force et de charisme.
Fabian Ferrari se tire redoutablement d'un rôle pas évident où il doit être constamment sur le fil entre cynisme et douleur. Et Mathieu Reverdy marque les esprits par son interprétation très inspirée de Juste, le poète maudit dont l'humour désespéré cache le mal-être. Il est bouleversant.
Enfin il y a Adrien Capitaine qui à lui seul vaut le déplacement et dont chaque réplique sonne vraie. Sa fougue, sa sensibilité et sa présence rendent son personnage déchirant.Le jeune comédien, s'il fait les bons choix devrait aller très loin.
On sort sonné de ce drame fiévreux mais heureux d'avoir passé un moment en compagnie d'une troupe douée et investie à suivre de près qui livre un spectacle enthousiasmant tenant en haleine du début à la fin. |