Comédie dramatique adaptée de l'oeuvre éponyme de Henrik Ibsen, mise en scène de Julie Berès, avec Valentine Alaqui, Sharif Andoura, Béatrice Burley, Anne-Lise Heimburger, Julie Pilod et Gérard Watkins.
Si la mort d'un enfant n'est jamais une mort comme une autre, sa représentation n'est pas non plus une simple représentation. Est-ce d'ailleurs "décemment" possible de le faire ? N'y a-t-il pas une impossibilité qui dépasse toutes les règles de l'art ?
Quand meurt le "Petit Eyolf", cet enfant handicapé qu'Ibsen n'invente que pour mieux le faire disparaître, revient en tête la phrase de Sartre : "Face à la mort d'un enfant, La Nausée ne fait pas le poids".
Mot terriblement lucide qui explique pourquoi les "grands écrivains" ont réservé ce type de drame aux auteurs de mélo et n'ont pas souvent usé du pouvoir divin de l'écriture, celui qui permet de donner et de reprendre la vie des innocents. Henrik Ibsen a osé et il n'a pas forcément bien fait.
D'ailleurs, il a compris qu'il était en pleine transgression et pour la rendre possible, il est passé par la voie commode du "conte". La mort de l'enfant est précédé d'une intervention mystérieuse, prémonitoire : celle de la "femme aux rats". Figure nordique porteuse de mauvaises nouvelles, elle crée un climat d'irréalité qui pourra faire douter de la "réalité" de l'enfant. N'est-il pas, en fait, qu'un "fantasme" qui cristallise les rancoeurs du couple Alfred et Rita Allmers ?
Dans un espace scénique très ouvert et lumineux qui contraste avec le cube vitré dans lequel est installé Eyolf dans un monde multicolore de jouets lumineux, Julie Berès construit pas à pas le drame qui se prépare.
Enfant prodige enfermé dans sa solitude d'handicapé, père prodigue perdu dans le prétexte de son œuvre, mère reléguée à jouer les mères et plus les femmes, chacun joue son rôle en attendant le tour de passe-passe du destin.
Toute cette première partie est brillante et convaincante, mais survient la noyade d'Eyolf et la pièce bascule soudain dans un huis-clos plus hermétique entre le père et la mère de l'enfant-mort.
Tout cet espace ouvert - où le fantôme de l'enfant rôde désormais - devient superflu, contreproductif. Anne-Lise Heimburger et Gérard Watkins se cherchent sans jamais se trouver à la bonne distance.
Dans ce lieu immense, ils hésitent entre l'hystérie et la retenue et perdent peu à peu toute force de conviction. L'émotion, qui avait saisi le spectateur à l'annonce de la disparition d'Eyolf par des "arrêts sur images", comme ce visage rouge sang collé contre la vitre du cube de la chambre de l'enfant, ne reviendra jamais.
Ne reste plus que ce sentiment de malaise et d'incompréhension qui saisit devant l'obscénité de la mort d'un enfant, même si on se rassure comme on peut en la sachant virtuelle. |