Comédie dramatique de David Lindsay-Abaire, mise en scène de Anne Bourgeois, avec Miou-Miou, Patrick Catalifp, Brigitte Catillon, Aïssa Maïga, Isabelle de Botton et Julien Personnaz.
"Des gens bien" est l'adaptation de "Good People" de David Lindsay-Abaire, lauréat du Prix Pulitzer en 2007 pour sa pièce "Rabbit hole".
Dans un des quartiers pauvres du sud de Boston, Margaret, la mère célibataire d'une jeune adulte handicapée mentale, se fait licencier de son emploi au One Dollar Store en raison de ses retards répétés.
Lorsqu'elle retrouve ses amies et leur parle de ses difficultés, celles-ci vont lui suggérer des moyens de s'en sortir. Jeannie, alors qu'elle était embauchée comme extra lors d'une soirée de gala, a eu la surprise de retrouver Mike, un ancien amour de jeunesse de Margaret devenu médecin.
Pour lui l’ascenseur social a pleinement fonctionné, et il y a longtemps qu'il a quitté les quartiers sud pour s'installer dans la grande demeure d'un quartier huppé de Boston, Chestnut Hill, avec sa jeune femme noire, Kate. "Pourquoi ne pas aller lui demander du travail ?"
Pour "Des gens bien", David Lindsay-Abaire, qui a lui-même grandi dans le "Southie', s'est inspiré des lieux et personnages hauts en couleur de son enfance. Sa pièce est une des rares œuvres américaines à traiter de la condition des personnages en terme de classe sociale plutôt que par le biais du communautarisme.
L'adaptation de Gérald Bourgeois répond aux attentes qu'on peut avoir par rapport à une telle oeuvre, c'est-à-dire un langage direct, simple, fluide mais corrosif et sous-tendu d'un humour un peu désespéré.
Anne Bourgeois tire de ce texte, élaboré sous forme de tableaux, une énergique mise en scène. Les personnages, bien que projetés dans des lieux de leur vie de tous les jours, ne restent pas comme ancrés dans leurs habitudes. Les gestes du quotidien rythment les échanges entre eux et accentuent les mouvements.
Les décors de Nicolas Sire sont, en ce sens, importants et tout à fait réussis pour que le spectateur puisse se projeter dans l'univers des personnages, nonobstant la lourde machinerie imposée par les changements de plateau qui brise légèrement le rythme de la mise en scène.
Les acteurs réalisent un sans-faute, Miou-Miou en tête, qui revient au théâtre après plusieurs années d'absence, dans le rôle de Margaret. Si la scène d'ouverture, dans laquelle Margaret se fait licencier par son jeune patron Stevie, interprété par Julien Personnaz,
déjà remarqué dans "Les cartes du Pouvoir", manque légèrement de rythme entre les deux acteurs, on constate déjà l'attention portée par Anne Bourgeois aux détails dans la direction des acteurs, les mains qui bougent nerveusement pour Stevie ou les regards perdus et les sourires tristes pour Margaret.
Les confrontations entre Margaret et Mike, interprété par Patrick Catafilo, atteignent un niveau de naturel qu'on ne rencontre que rarement sur une scène de théâtre. Les répliques atteignent leur but à chaque fois, avec leurs sous-entendus remplis de fiel.
Complémentaires et en parfaite harmonie de jeu, Miou-Miou et Patrick Catafilo interprètent avec une justesse remarquable une composition qui semble taillée sur mesure pour eux deux.
Les autres acteurs ne demeurent d'ailleurs pas en reste, avec des personnages aux traits bien marqués. Isabelle de Botton trouve un rôle à la hauteur de la gouaille qu'on lui connait. Brigitte Catillon joue avec subtilité le rôle d'une femme, entre force et aigreur, qui se bat dans la vie. Aïssa Maïga apporte une touche de sophistication sous la personnalité à fleur de peau de Kate. Enfin, Julien Personnaz habille Stevie d'une belle humanité sensible.
Les propos de David Lindsay-Abaire sur la pauvreté et la dignité, sur la volonté de s'en sortir et le poids de l'environnement social, ou sur les marqueurs sociaux et les a priori, trouvent bien entendu un écho dans la société américaine d'aujourd'hui. Mais ils entrent aussi en résonance avec la société française qui se dessine actuellement en période de crise.
Son texte, réfléchi et perspicace, ancré dans la vraie vie, est écrit en parfaite opposition avec les discours caricaturaux faciles et les petites phrases des hommes et femmes politiques actuels, et les programmes qu'ils affichent. |