Réalisé par Alice Rohrwacher. Italie. Comédie dramatique. 1h51 (Sortie le 11 février 2015). Avec Sam Louwyck, Alba Rohrwacher, Sabine Timoteo, Maria Alexandra Lungu, Agnese Graziani et Monica Belluci.
Avec "Les Merveilles", lauréat du Grand Prix au Festival de Cannes 2014, la jeune réalisatrice italienne Alice Rohrwacher signe un film singulier.
Et ce non pas tant par les thématiques, celle de la famille inféodé au délire d'un patriarche qui la tient hors du monde et le questionnement pré-adolescent, que par le genre, celui du conte, et le registre qui ressortit à la contemporanéisation du néo-réalisme italien des années 60.
Au coeur de la Toscane rurale, dans une vieille ferme isolée et délabrée vit une famille marginalisée par le mode de vie autarcique imposé par un père d'origine allemande, soixantuitard attardé et adepte de la décroissance, qui après avoir vécu dans une communauté "hippie" est venu s'installer en Italie pour vivre en solitaire son utopie teintée de gauchisme libertaire.
Encore que sa philosophie soit paradoxale : il a des enfants alors qu'il croit en l'éminence de la fin du monde et n'a pas renoncé aux valeurs bouirgeoises puisqu'il continue d'en faire pour avoir un garçon, le porteur du nom qui assurera la survie de la lignée.
Cela étant, l'homme égoiste, colérique, irresponsable et peu empathique (Sam Louwyck) tient encore son petit monde sous sa férule. Mais les difficultés financières s'aggravent, sa petite activité d'apiculteur peine à assurer le nécessaire ce qui lui gâte encore davantage l'humeur, son épouse (Alba Rohrwacher), encore soumise à défaut de partager sa philosophie, renacle ("quand il n'est pas là on respire" dit-elle) et deux de ses filles atteignent l'âge de se poser des questions.
La puînée (Agnese Graziani) est déjà dans la rebéllion larvée en traînant les pieds pour partiiciper aux taches apicoles. Quant à l'aînée Gelsomina (Maria Alexandra Lungu très expressive dans son mutisme buté comme dans sa candeur juvénile), elle jouit d'un statut particulier : substitut du fils, elle s'est vue attribuer le rôle d'assistant du père et est devenue une apicultrice accomplie, ce qui ne l'empêche pas d'être lucide sur sa situation qu'elle compare à celle d'un esclave.
Un été, plusieurs événements vont bouleverser son environnement et ouvrir son regard sur le monde. D'une part, la venue au village d'une télévision locale qui, sous couvert de promotion des produits artisanaux, réalise une sordide émission de télé-réalité en forme de peplum étrusque animée par une "fée" aux allures de Vierge Marie kitsch (Monica Bellucci) et de concours avec un voyage à la clé.
D'autre part, arrive à la ferme un jeune délinquant placé pour un séjour de rééducation par le retour à la terre sur lequel le père va reporter l'affection paternelle frustrée pour le fils absent. Evincée, Gelsomina rejoint le clan des femmes, celles qui doivent subir sous le joug de l'homme fut-il "new age".
Avec la caméra objective du cinéma documentaire qui se garde tant de juger que de prendre partie, Alice Rohrwacher dessine une partition impressionniste qui réussit, de manière sensible, à capter les instants fugaces, fragiles et poétiques des ultimes jours de l'enfance et le dernier été au pays des abeilles, métaphore du pays de l'innocence. |