Réalisé par Laurence Thrush. France. Drame. 1h40 (Sortie le 11 mars 2015). Avec Kenta Negishi, Kento Oguri, Masako Innami, Sadatsugu Kudo, Go Furusawa, Sohko Kanou, Kanae Matsumura et Karin Yamashita.
Laurence Thrush est un metteur en scène britannique qui, pour son premier film, s'est intéressé à un phénomène typiquement japonais : les hikikomoris.
Concernant plus d'un million de jeunes, de manière plus ou moins grave, il peut se traduire approximativement par la formule "retrait de la vie sociale".
En bref, les jeunes gens, le plus souvent des adolescents, décident de rester à la maison, enfermés dans leurs chambres, souvent à ne rien faire. Cela peut durer des années les excluant de facto de cette concurrence acharnée pour les meilleurs places qui caractérisent l'organisation sociale japonaise. Une fois "guéris", ce sera de toute façon pour les jeunes frappés par le phénomène une vie en bas de l'échelle, une vie hors du modèle japonais.
Au lieu de passer par la voie du documentaire, Laurence Thrush a préféré construire une fiction avec des acteurs non professionnels autour du cas de Hiroshi, jeune garçon à lunettes, que rien ne différencie du petit japonais moyen. Certes, sa cellule familiale paraît peu solide avec un père très peu empathique qui va d'ailleurs profiter de la situation pour divorcer.
Comment Hiroshi a-t-il été gagné par le phénomène ? Que s'est-il passé ? Quel a été l'élément déclencheur de la crise ? S'agit-il d'une révolte adolescente ?
On suit d'abord la vie quotidienne de la famille Okada et rien ne semble annoncer le mal qui frappe Hiroshi que l'on voit prendre son petit-déjeuner, puis aller à l'école avec son petit frère . Bien sûr, il ne paraît pas un étudiant très vaillant, et ne semble pas très concerné par les activités scolaires. Mais de là à déserter l'école puis à se recroqueviller dans son antre...
Fin observateur, cinéaste jamais plan plan, Laurence Thrush s'est attaché à décrire par petites touches la vie des Okada. De surcroît, il bénéficie d'un noir et blanc magnifique concocté par son chef opérateur, Gary Young, qui donne au film une espèce d'intemporalité, un sentiment d'irréalité qui rend encore plus inouïe la maladie d'Hiroshi.
Dans la seconde partie de "De l'autre côté de la porte", les parents décident de faire appel à un "spécialiste" de la "déprogrammation" des hikikomoris, Sadatsugu Kudo. Jouant son propre rôle, celui-ci rayonne à l'écran et fait découvrir la structure où il tente de réadapter des jeunes gens. Ayant accepté de s'y rendre après que Sadatsugu Kudo a usé de mille stratagèmes pour l'en convaincre, Hiroshi est confronté avec d'autres adolescents vivant à des degrés divers la même expérience que lui. On découvrira notamment que le phénomène touche aussi les jeunes japonaises.
"De l'autre côté de la porte" de Laurence Thrush est une étude sensible d'un mal étrange. Le réalisateur réussit à ne pas tomber dans "le documentaire fictionné" et le fait qu'il ne soit pas Japonais ne se sent jamais.
Grâce à lui, on aura découvert ce que sont les hikikomoris. Reste désormais à savoir s'il n'y a pas en France une pathologie voisine que l'on ignore faute de cinéastes pour s'y intéresser ou s'il y a un risque qu'elle puisse s'implanter dans l'hexagone.
Dans tous les cas, "De l'autre côté de la porte" de Laurence Thrush mérite d'être vu.
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