Comédie de Jean-Marie Besset, mise en scène de Régis de Martrin-Donos, avec Antoine Baillet-Devallez, Félix Beaupérin, Grégory Cartelier, Roman Girelli, Hervé Lassïnce, Alain Marcel, Jean-Baptiste Marcenac, Quentin Moriot, Frédéric Quiring et Dominique Ratonnat.
Molière amoureux, Molière qui fuit le tourbillon de Paris, Molière sans Armande, Molière ne sait pas encore qu’il va devenir un héros de la Légende nationale.
Un soir, dans sa maison d’Auteuil, Poquelin vient d’être enfin rejoint par son protégé, Baron, jeune comédien prodige, qu’il couve de sa tendresse. Lors d’une fête entre garçons, s’agglomèrent bientôt Lully, Chapelle, le vieux complice en écriture, et tout une charrette de favoris, gîtons, noceurs, pique-assiettes, partageurs de libations et de débauches qui en découlent.
On le comprend très vite, une hypothèse est osée : Molière est homosexuel et, plus encore, ceci explique tout cela. La galère de Scapin ? L’amour de la turquerie masculine. On n’ose parler des charmes de Tartufe mais l’esprit s’y promène. Et si le titre du Misanthrope cachait, sous un masque, celui du Misogyne ?
Jean-Marie Besset, qui vécut à quelques pierres du village d’Alet-les-Bains, lieu de l’enfance de Roger Peyrefitte, a repris son audacieuse transposition de l’Histoire : Tout le monde est homosexuel. Le vieux Monde, hypocrite et jésuitique, tenu par la Femme, a caché cette évidence pour assoir son pouvoir.
La thèse, très jubilatoire, autorise, avec ce "Banquet d'Auteuil", un spectacle haut en couleurs, avec force déculottages, déambulations en tenue d’Adam, la feuille de vigne piétinée rageusement, chants de Castrats, bacchanales à mi-chemin entre le Satyricon, le Conseil de révision de papa et le Salo de Pasolini.
On s’amuse vraiment dans le monde phantasmatique de Jean-Marie Besset, on retrouve ses classiques, "revisités" (comme on dit à la télé) avec une troupe de jeunes gens beaux en diable, à convertir l’hétérosexuel le plus borné, on se délecte de la "fausse" scène finale, où tous ces ivrognes se préparent à mourir ensemble dans une rivière glacée, pour la beauté de la chose.
Où est Molière ? Là, sur la berge, honnête homme, à remettre les choses en place, avec une clarté toute française. La mise en scène de Régis de Martrin-Donos est efficace et tous les comédiens, excellents.
Certains esprits chagrins regretteront la vision anachronique, le côté "instantané", hommage à notre époque étrangement déprimée par sa si grande intelligence et ses libérations impérieuses. Quant à l’absence totale de femmes, s’inscrirait-elle dans l’évolution souterraine, démentie par de vaines apparences ?
Comme chez Molière, rien d’anodin. Mais quel festin ! Quel banquet d’idées, de mots et de corps ! |