Réalisé par Philippe Barassat. France. Drame. 1h36 (Sortie salle en 2013). Avec Jérémie Elkaïm, Béatrice de Staël, Bastien Bouillon, Valentine Catzefils et Magali Le Naour-Saby.
"IIndésirables" de Philippe Barassat n'est pas forcément un film plaisant. On pourrait le définir comme une version moderne de "Freaks" de Tod Browning dont il s'inspire pour une partie de son scénario.
Jérémie Elkaïm, ici orphelin de Valérie Donzelli remplacée avantageusement par Valentine Catzéfils, cherche à joindre les deux bouts et à ne pas perdre sa belle de bonne famille. Pour y réussir, il devient "gigolo", mais pas pour dames d'un certain âge. Ce qui l'attire, ce sont les handicapés de toutes sortes et même de tous sexes.
Il faudra donc accepter cette figure de style qui fait du sympathique Aldo un être ambigu oscillant entre ange à belle gueule déchu et pervers de la pire espèce.
Pour compliquer la chose, ne pas tomber dans un manichéisme entre "normaux" et "monstres" où,comme dans "Freaks", la monstruosité finit par se renverser, Philippe Barassat implique dans le piège tendu à Aldo un couple d'aveugles déjantés joué à la perfection par Béatrice de Staël et Bastien Bouillon.
C'est lui qui donne la désastreuse idée à Aldo de se refaire en couchant avec des grandes brûlées, des handicapés moteur ou physiques. Infirmier de métier, Aldo se voit en thérapeute dans ses rapports monnayés avec des "accidentés de la vie". C'est là sa seule justification.
Dans un noir et blanc qui renforce le sentiment d'un affrontement entre un bien et un mal, un correct et un incorrect, il s'enfonce dans un piège où on ne démêlera jamais ses véritables motivations. Prend-il du plaisir ? Le fait-il par masochisme ou même par esprit de sacrifice ?
Toujours est-il qu'il est, tout à coup, confronté à la logique de "Freaks", c'est- à-dire au moment où les "monstres" (avec d'immenses guillemets) décident de se révolter. Eux aussi ne sont pas tout blanc, cachent des doses variables de sadisme et c'est avec un plaisir certain qu'ils s'en prennent à leur "bourreau". Dans le film de Tod Browning, Vénus, la belle qui s'était jouée du nain, était mutilée par tout le petite communauté des "Freaks". Ici, la mutilation prendra une autre forme, donnant au film son étrange étrangeté.
"Indésirables" de Philippe Barassat est forcément clivant. Si, d'emblée, l'on ne supporte pas son sujet, il vaut mieux ne pas s'y confronter. Ceux qui, au contraire, seront attirés par l'originalité de son scénario ne seront déçus qu'en "bien". En effet, le cinéaste louvoie parfois dans le malsain mais n'y tombe jamais entièrement.
"Indésirables" n'est donc pas un film indéfendable. Dominé par l'interprétation volontairement opaque de Jérémie Elkaïm, il renoue avec un certain "fantastique social", caractérisé par une distribution de seconds rôles fortement typés et identifiables et par un climat angoissant plutôt maîtrisé, engendrant un final imprévisible. |