Réalisé par Eugène Green. France/Italie. Drame. 1h44 (Sortie le 25 mars 2015). Avec Fabrizio Rongione, Christelle Prot Landman, Ludovico Succio, Arianna Nastro, Hervé Compagne, Sabine Ponte, Gilles Tonneléet Nathalie Chazeau.
"La Sapienza" d'Eugène Green est le cinquième long-métrage de celui que l'on peut définir désormais comme un "honnête d'homme du 21ème siècle".
Spécialiste du baroque, romancier, homme de théâtre, cinéaste, Eugène Green construit pas à pas, avec beaucoup d'humour et de modestie, d'intelligence et de saines colères, une œuvre qui compte sans compter sur le bruit médiatique et le tapage des fausses réputations.
De son nouveau film, constamment servi par la belle lumière de l'Italie retranscrite avec soin par Raphaël O'Byrne, se dégage un ample sentiment de sérénité. Si l'on a la sagesse, "la sapienza", d'accorder ses pas dans ceux d'Eugène et de ses personnages qui trouveront ensemble la plénitude dont ils étaient en quête, on fera d'abord un beau voyage. Et pas seulement un voyage initiatique. C'est avant tout dans un pays utopique qu'il sait rendre réel qu'il nous emporte : le pays de la bienveillance.
Et pour cela, Eugène crée deux couples, un couple mari-femme et une fratrie soeur-frère, d'âges et d'origines différentes, qui vont se découvrir de pures affinités électives en partageant la belle lumière du lac Majeur et en se transmettant le fruit de leurs connaissances.
En l'occurrence, pour les deux hommes, celle d'un architecte baroque, Borromini, dont ils vont discourir avant d'aller rencontrer les œuvres. Pour les deux femmes, le partage sera plus mystérieux, plus métaphysique, entre celle qui ne peut plus avoir d'enfant et celle, fragile et diaphane, qui est à l'aube de pouvoir peut-être en avoir.
Dans ce récit asexuel, où les esprits et les cœurs ont remis leurs corps à leur juste place, se diffuse une pureté intellectuelle joyeuse.
Attention ! "La Sapienza" d'Eugène Green est tout le contraire d'un film ennuyeux. Le cinéaste de « Toutes les nuits » a mis un peu d'eau dans le vin de son austère "bressonisme". Il y a maintenant en lui de l'apaisement, même dans sa rigueur.
Comme toujours, on soulignera la présence de son actrice fétiche, Christelle Prot Landman, que d'autres cinéastes ont bien eu tort de ne jamais employer. Reste que sa collaboration avec Eugène Green est une fois encore inoubliable.
Dès que s'achève la projection du film, on est déjà dans l'envie du prochain tant on aimerait que l'oeuvre "greenienne" s'impose à tous pour ce qu'elle, indiscutable, viscérale, d'une grandiloquence magique et nécessaire.
"La Sapienza " d'Eugène Green est à aimer sans modération. |