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Théâtre de la Colline  (Paris)  mars 2015

Comédie dramatique de Ernst Toller, mise en scène de Christine Letailleur avec Michel Demierre, Christian Esnay, Manuel Garcie-Kilian, Jonathan Genet, Charline Grand, Stanislas Nordey et Richard Sammut.

Tout est gris, tout est charbonneux, tout est noir sur cette scène jamais totalement dans la lumière. Aucun élément de décor dans ce qui pourrait être une cour avec en arrière plan une grande fenêtre ou plutôt une sombre baie vitrée entourée par deux ouvertures qui font office de portes de part et d'autre de la fenêtre.

Ici, tout est propice au plus strict expressionnisme, celui des films de Murnau par exemple. Mais c'est un expressionnisme qui s'octroie le droit de ne pas être manichéen, de se permettre des jeux de lumière jamais brutaux. Il y a un subtil dégradé dans la dichotomie noir/blanc. Et puis, parfois, explose le carmin vif éclairé d'ampoules jaunes d'un rideau d'entrée de cirque qui prend la place de la béance de la baie vitrée ouverte.

"Hinkemann", c'est donc d'abord un climat dessiné par le puissant contexte imposé par la scénographie d'Emmanuel Clolus et Emmanuel Le Bras. Un climat accentué par la rigueur formelle des lumières subtiles de Stéphane Colin et renforcée par la "bande-son", elle aussi d'une grande expressivité, de Bernard Lechat.

Quelques accords lancinants d'orgue de barbarie, la vulgarité pleine d'entrain factice du forain tonitruant "Viens Poupoule", des bruits de bottes, des cris de miliciens, des hurlements, voilà ce qui entoure la parole désespérée du soldat Hinkemann revenu de guerre.

Car rien ne sera plus comme avant pour cet homme qui n'en est plus un. Blessé au bas-ventre, "eunuque", le voilà face à sa "Grete" tant aimée, mais qu'il ne pourra plus aimer charnellement.

Sur fond d'Allemagne défaite, de révolution spartakiste promise à une répression sanglante, Ernst Toller se sert de son personnage, que la misère et le malheur contraignent à devenir un phénomène de foire, pour asséner des vérités politiques aux curieuses résonances actuelles.

Stanislas Nordey, que l'on sent étonnamment concerné par ce rôle épuisant, est un Hinkemann à la voix fêlée par la colère impuissante dont il porte les stigmates. Ses tirades s'enchaînent jusqu'au manque de lucidité qui le font être injuste avec sa femme aimante, cruellement prise entre les contradictions de sa chair et de son âme.

Les personnages de Toller sont des cœurs purs que le monde impur ballote jusqu'au tragique. Leurs rêves de révolution, de "nouvelle société", de grand amour se fracassent devant la réalité la plus sordide, les faits les plus abjects. Pièce politique, "Hinkemann" n'est jamais dogmatique.

Ce que Toller expose avec la précision et la concision de son absolu pessimisme, c'est le surgissement du chaos d'après-guerre, dans lequel Priape et le matérialisme vont remplacer les valeurs chrétiennes et écraser les rêves révolutionnaires.

Comme Zweig, comme Benjamin, comme tant d'autres, Toller préfèrera se suicider que de voir le triomphe total de ce qu'il anticipait dans "Hinkemann" et qui, quelques années après son écriture, prendra la forme du nazisme.

Dans sa version sans effets démonstratifs inutiles mais d'une force de conviction peu commune, Christine Letailleur permet de découvrir, bien retraduit par Huguette et René Radrizzani, un auteur allemand majeur mal connu en France.

Elle s'appuie sur une distribution impeccable et magnifie le couple formé par Stanislas Nordey et Charline Grand. Elle pose des questions contemporaines sans avoir besoin de les surligner et propose un moment de théâtre qui ne peut que susciter une adhésion enthousiaste.

 

Philippe Person         
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# 19 mars 2023 : Motion de culture

Tout fout le camp en ce moment. En attendant des jours meilleurs, accrochons nous et noyons notre chagrin dans la culture !Cc'est parti pour le sommaire de la semaine en commençant par le replay de la 63eme Mare Aux Grenouilles.

Du côté de la musique :

"Your mother should know, Brad Mehldau plays the Beatles" de Brad Mehldau
"Soul tropical" de David Walters
"Embers" de Embers
"Le courage" de Julie Rey et Adrien Desse
"Nuit blanche" de Anodine
"Désequilibre" de Bilbao Kung Fu
"Elements" de Foehn
"La Sagrada" de Natalia Doco
"Red cloud" de Red Cloud
"Isla" de Simon Moullier
et toujours :
"Sound of Eymet" de Adrien Chicot
"O futuro é mais bonito" de Anna Setton
"Vertigo" de Bipolar Club
"W.A. Mozart : The prussian quartets" de Chiaroscuro Quartet
"Principia" de En Attendant Ana
"Charivari" de Marcel
"111" de One Shot
"A very big lunh" de Papanosh
"Brothers & Sisters" de Steve Mason
"Screamers" de Treponem Pal

Au théâtre :

les nouveautés de la semaine :
"Dans la solitude des champs de coton" à l'Espace Cardin
"House" au Théâtre de la Colline
"Oeuvrer son cri" au Théâtre de la Cité Internationale
"Le silence et la peur" au Théâtre de la Colline
"Tom na Fazenda" au Théâtre Paris-Villette
"Petites histoires de la démesure" au Théâtre Les Déchargeurs
"Apocalipsync" au Théâtre du Rond- Point
"Weber à vif" à La Scala
"HPNS" au Théâtre La Reine Blanche
"Marée haute" au Théâtre Le Lucernaire
"Rémi Larrousse - Confidences d'un illusionniste" au Théâtre Le Lucernaire
"Opération Kortex" à La Folie Théâtre
"Patricia Lelouebec - Sauver le monde" au Théâtre Les Déchargeurs
"La Langue des Cygnes au Théâtre 71 à Malakoff
les reprises :
"Nagasaki" au 100ECS
"Maupassant, Octave et moi" au Théâtre de Poche-Montparnasse
"Maya, une voix" au Lavoir Moderne Parisien
"Al Atlal, chant pour ma mère" au Théâtre 14
et une sélection des autres spectacles à l'affiche

Expositions :

"Giovanni Bellini - Influences croisées" au Musée Jacquemart-André
dernière ligne droite pour :
"Capitales" à l'Hôtel de Ville de Paris
"Yves Klein intime" à l'Hôtel de Caumont
et les autres expositions à l'affiche

Lecture avec :

"Les nageurs de la nuit" de Tomasz Jedrowski
"Les grands ministres de Habsbourg" de Jean Paul Bled
"Le petit roi" de Mathieu Belezi
"Il ne doit jamais rien m'arriver" de Mathieu Persan
et toujours :
"Un paradis en enfer" de Rebecca Soinit
Rencontre avec Taous Merakchi & Da Coffee Time
"Coven" de Taous Merakchi & Da Coffee Time
"Les autres gens ne sont pas des gens comme nous" de J.M. Erre
"Le passager" de Cormac McCarthy
"La guerre sainte de Poutine" de Sébastien Boussois & Noé Morin

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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