Réalisé par Mario Martone. Italie. Biopic. 2h15 (Sortie le 8 avril 2015). Avec Elio Germano, Michele Riondino, Massimo Popolizio, Anna Mouglalis, Valerio Binasco, Paolo Graziosi, Iaia Forte et Sandro Lombardi.
Après Turner ("Mr Turner" de Mike Leigh), Tchekhov ("Anton Tchekhov 1890" de René Féret), c'est au tour d'un autre "grand artiste" européen, Giacomo Leopardi, de faire l'objet d'une "biographie filmée" et d'ainsi de légitimer de ce côté-ci de l'Atlantique un genre au départ purement étasunien.
Pour les Italiens, Leopardi est un grand poète et un essayiste incontournable. Il n'en est, hélas, pas de même pour les autres Européens.
"Leopardi, il giovane favoloso", le film de Mario Martone, s'il n'était pas une œuvre de grande qualité, aurait déjà eu au moins le mérite de le faire connaître. Car il trace le parcours douloureux d'un être exceptionnel dont le génie devait constamment composer avec la maladie. Vie brève, vie intense, que la vie de cet homme à la recherche de la lumière pour réchauffer son corps et illuminer son âme.
Pour retracer la vie du poète rendu "bossu" par son mal, Mario Martone, dont certains n'auront pas oublié "Mort d'un mathématicien napolitain" son film le plus célèbre, a eu la très bonne idée de s'attacher les services de Renato Berta, pour une photographie exceptionnelle, et d'Elio Germano, pour une incarnation qui va jusqu'à l'abnégation de l'auteur des "Chants".
Traversée Nord-Sud de l'Italie vers le soleil et loin de l'ire que peut susciter ses écrits, la vie de Leopardi se décline parfaitement dans la palette savante des lumières de Renato Berta.
De la douce Toscane pastel au sud napolitain où explose, comme le Vésuve, les couleurs vives, aucun plan n'est pas signifiant de beauté. Rarement dans le cinéma contemporain, l'écrin formel n'aura été aussi important pour faire comprendre l'intérieur d'un personnage, pour montrer combien Leopardi, si fragile si délicat, rayonnait intensément à la fois par son être et par sa pensée.
Elio Germano, sans aucune outrance, passe du jeune homme prometteur, à qui tout aurait pu sourire des choses de l'esprit aux plaisirs de la chair, au précoce moribond difforme. Particulièrement saisissante dans sa cruauté sombrement carminée, sera la scène où il hante les bas-fonds napolitains, avec ses bordels troglodytes et ses prostituées qui renvoient toujours au "Satyricon" fellinien
Martone s'inscrit alors dans la tradition perdue du grand cinéma italien. Le climat de Naples en plein choléra n'est pas sans analogie avec celui créé par Visconti pour l'épidémie de "Mort à Venise".
Ce qui n'aurait pu être qu'une vision intimiste de Leopardi, centrée sur son amitié avec Antonio Ranieri et leurs passions romantiques pour de belles femmes délicates, gagne en ampleur. C'est tout le bruissement d'une Italie en devenir parcourant l'oeuvre du poète qui se lit dans ce film vraiment réussi, un film qui dégage une sérénité émouvante qu'il fait bon partager.
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