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Théâtre de Ménilmontant  (Paris)  samedi 28 mars 2015

On a déjà évoqué Aller voir, dernier album de Laurent Berger : collection de bijoux intimistes sertis au piano, tout en sensibilité poétique et fine musicalité. Avec toutefois cette réserve : l’impression d’un disque un poil trop apprêté – comme si les chansons étaient prisonnières d’une préciosité musicale redondante avec la subtilité déjà présente dans l’écriture. Sur scène, seul avec une guitare*, cette impression s’estompe et les mêmes musiques se déploient plus librement, avec d’autres nuances – notamment folk – que le piano-voix n’autorisait pas. Toujours avec finesse, mais avec un peu plus de force, de muscle.

C’est flagrant dès l’ouverture : "On ne s’entend pas", mélodie en demie teinte sur disque, propulsée ici par la guitare nerveuse et la voix plus franche. Ca continue avec les basses vrombissantes (presque rock) de l’inédit "Fantaisie", ou le funk acoustique de "Tout est permis". Alors que le disque miniaturisait l’écriture de son auteur, donnant une impression univoque de fragilité, c’est ici le contraire : Laurent Berger mesure presque 2 mètres, le contraste entre son grand corps et la délicatesse de ses chansons est beau à voir. Puissamment amplifiée, sa voix révèle quelques nuances plus âpres – mais sait aussi redevenir douce, quand une mélodie appelle la caresse. Et son instrument, tout en courbes féminines au premier abord, révèle un tempérament fiévreux (et de riches harmoniques) sous un jeu plus percussif.

Le récital, bien proportionné, pioche dans ses quatre albums : six extraits du dernier (2013) quatre du précédent (Au pas pressé, 2006), et pour les premiers (Plume et La Belle saison, 1998 et 2002), deux morceaux chacun. Contrairement à celles d'Aller voir, les chansons de l’opus 2006 sont rendues ce soir-là assez fidèlement à leur incarnation d’origine, plutôt guitariste – hormis "Le Silence", qui bénéficiait d’un arrangement solennel avec entrées d’instruments en un lent et majestueux crescendo. Sur scène, l’enrobage est fatalement plus resserré, mais la manière dont Berger joue du contraste entre couplets quasi nus (guitare doublant sur une corde la mélodie de la voix) et passages plus habillés (grandes brassées d’accords tendus) révèle une autre facette de ce beau titre au fort potentiel dramatique.

On a lu ici ou là que la poétique de Laurent Berger était intemporelle : ce n’est pas tout à fait vrai. Même si l’écriture évite l’écueil à "ras-le-quotidien", la réalité s’immisce entre les lignes : c’est la satirique "Epouse d’un grand homme", raillant les lèche-bottes des premières dames ; "Epouvantail", qui aurait pu s’appeler "SDF" (mais le titre était déjà pris, et pas par n’importe qui), évoquant avec pudeur une situation d’exclusion. C’est surtout un magnifique texte à propos du drame de Charlie Hebdo, sujet glissant, potentiellement démago… mais pris avec finesse, émotion et humour (ce n’est pas incompatible), le pari est gagné : "On t’aura promis quelques vierges pour ton repos éternel. Nous te laissons fantasmer sur cet hypothétique harem. Nous, de notre côté, lutinons ici et maintenant. Car s'il te faut de la haine pour te trouver un dieu… Nous, qui ne cherchons que de l’amour, savons où le trouver".

A l’autre bout du spectre, après avoir chanté les sentiments avec pudeur et sensibilité (notamment la merveilleuse "Lamantine", autre inédit de haute tenue qui laisse augurer d’un prochain album encore meilleur), il se fait soudain coquin pour évoquer "Ton cul sur la commode", meuble ancestral passé de générations de mères en générations de filles, où de belles assises laissèrent parfois entrevoir l’origine d’un monde. A sujet glissant (c’est le cas de le dire), traitement de faveur : Laurent Berger dit ce texte avec la même distinction qu’un poème classique. Cette gourmandise de mots, qui ne met pas de frontière entre vues de l’esprit et choses de la vie, lui permet de sublimer le trivial sans tomber dans la vaine gaudriole.

L’auteur, qui a atteint en seulement quatre albums (répartis il est vrai sur une assez longue période : 15 ans) une belle maturité d’écriture, a aussi cette modestie d’adresser un clin d’œil à d’illustres prédécesseurs : il dévoile deux poèmes de Bernard Dimey nouvellement mis en musique, l’amusant "Tout à fait dans l’cirage à 5h du matin" ("Elle avait juste l’âge à faire mon bonheur") et l’émouvant "Les oiseaux migrateurs vont s’en aller demain" ("Vers un soleil tout neuf à l’autre bout du monde"), deux façons d’appréhender l’amour et l’amitié – avec fantaisie-sensualité ou gravité-fraternité, dualité proche de ses thématiques à lui aussi. Il reprend également Michèle Bernard, dont les "Quatre-vingt beaux chevaux", associés à ses propres "Epouvantail" et "La Main nue" ("Cette main sans vernis, aux ongles cassés, aux ongles rongés […] Cette main à mi-parcours entre l’ami et l’amour / Tiens, prends-la qui se tend vers toi"), révèlent une conception de la chanson qui, sans tomber dans l’étiquette "engagée", conserve de saines préoccupations humanistes derrière l’apparente stylisation.

Au final, c’est un récital d’une rare densité et d’une maîtrise quasi complète – mais joué avec naturel, sans qu’on sente l’excès de préparation ni les ficelles. Outre le plaisir immédiat, il donne envie de rattraper le retard et (re)découvrir les autres albums de Laurent Berger : chansons subtiles, pas tapageuses pour un sou, mais bombes à retardement qui révèlent leur piquant sur le long terme. Déflagration en douceur, dont on espère ne jamais se remettre.

[* Renseignement pris : son prochain disque devrait être un guitare-voix intégral]

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique de l'album Aller voir de Laurent Berger
Laurent Berger en concert à Théâtre de Ménilmontant (samedi 13 février 2016)

En savoir plus :
Le site officiel de Laurent Berger
Le Facebook de Laurent Berger


Nicolas Brulebois         
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# 24 mars 2024 : Enfin le printemps !

Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.

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"Invincible shield" de Judas Priest
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"Nairi" de Claude Tchamitchian Trio
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