– Où suis-je ?
– Au Village.
– Qu'est-ce que vous voulez ?
– Une chronique.
– Dans quel camp êtes-vous ?
– Vous le saurez en temps utile... Nous voulons une chronique, une chronique...
– Vous n'en aurez pas !
– De gré ou de force, vous en écrirez une... Parlez-nous des Villageois !
– On dit les Villagers, et ils sont Irlandais, ça n’a donc rien avoir avec le Village qui est au Pays de Galles, la référence avec Le Prisonnier passe totalement à côté, c’est totalement hors sujet...
– Mais c’est-à-dire que...
– C’est-à-dire que rien du tout ! Passons à autre chose, et revenons aux choses sérieuses comme à l’amour par exemple.
– Grand fou ! Embrasse-moi !
– Juste après, attends...
Villagers, groupe de Dublin, sort son troisième album Darling Arithmetic, un disque aussi beau que la pochette est laide, c’est vous dire s’il est beau. On associe souvent les chansons douces, mélancoliques à l’hiver ; pourtant si ce disque est doux et empreint d’une certaine mélancolie et surtout d’amour, Darling Arthmetic est lumineux, ensoleillé, estival, comme un Hot Scary Summer. Là où les arrangements de {Awayland}, leur précèdent album, étaient riches et ambitieux, dans un format qui se tournait volontiers vers la pop, ici nous sommes dans le dépouillement, la simplicité, une sorte de folk indie minimaliste.
Quelques petites touches d’électronique, quelques effets de voix, d’écho mais rien de plus, simplement une guitare acoustique, une batterie lointaine, quelques notes de piano, parfois de petites nappes de synthé, il n’en faut pas plus à Conor O’Brien le leader, auteur, compositeur, chanteur pour habiller ses chansons. Il l’a enregistré seul chez lui dans le grenier d'une ancienne ferme dans la ville côtière de Malahide, au nord de Dublin, en jouant de tous les instruments, ce qui donne un album extrêmement personnel, avec sa voix qui segmente et son timbre de voix particulier, une voix sur la brèche, réussissant à être plaintive sans pour autant être larmoyante, aussi à l’aise dans la retenue que dans les aigus. Disque d’autant plus personnel que les textes évoquent l’amour, l’homosexualité, le fait de réussir à s’assumer ("Courage"), le sexe, la solitude, la confusion...
Neuf morceaux, neuf petites histoires, c’est un peu court jeune homme, on en aurait aimé plus tant il est dur de se défaire de ce disque, de son univers, de son son. Sa douceur, son apparent calme cache en fait des joyaux mélodiques comme "Dawning On Me", "Little Bigot" par exemple, ou "The Soul Serene", parfaite ballade hypnotique que l’on rêve sans fin, et où Conor O’Brien joue à la perfection avec sa voix, se répondant à lui-même parfois. Disque parfait des après-midi d’été, où l’on laisse son regard divaguer sans but, où on se prend à rêver de trouver l’amour, d’aimer et d’être aimé. Il n’y a rien de plus difficile que d’écrire des chansons d’amour, c’est le thème le plus éculé, cliché qui soit, pourtant Villagers s’en sort haut la main réussissant à prouver que l’amour n’est pas mort, du moins qu’on aime à le croire.
– Allez maintenant, viens par là et embrassons-nous encore et encore, je vais te montrer moi que l’amour n’est pas mort et en plus, j’ai la parfaite bande son pour ça...