Réalisé par Antoine Barraud. France. Comédie dramatique. 2h07 (Sortie le 22 avril 2015). Avec Bertrand Bonello, Jeanne Balibar, Géraldine Pailhas, Joana Preiss, Barbet Schroeder, Pascal Greggory, Valérie Dréville, Nicolas Maury, Alex Descas, Isild Le Besco et Natalie Boutefeu.
Mauvaise semaine pour Arnaud Desplechin, le plus surfait des cinéastes français et le plus adulé d'une certaine critique pour qui ses films sont faits.
Après avoir raté pour la énième fois la sélection officielle (même si, au dernier moment, on n'est pas à la merci d'une surprise due à l'entregent d'Arnaud), voilà qu'Antoine Barraud emprunte ses plate-bandes.
En effet, même si pour tromper son monde, il fait jouer le cinéaste héros de son film par Bertrand Bonello, le modèle de son personnage - comme de son cinéma - est évidemment Arnaud Desplechin, le cinéaste prétendument intellectuel, prétendument séducteur, prétendument porteur d'un univers.
Comme les films du ci-devant nommé, "Le Dos rouge" d'Antoine Barraud est donc un film compliqué dans sa facture, maniéré dans sa réalisation et fondé sur une pléiade d'acteurs peu connus pour leur popularité réelle, mais qui sont ici, à la différence de leurs prestations dans les films d'Arnaud, souvent bien dirigés.
Ainsi Jeanne Balibar, enfin de retour sur les écrans, est parfaite en "spécialiste" de la peinture à la recherche du tableau dont Bertrand, le cinéaste, a besoin pour illustrer la monstruosité à l'écran.
Sans rien révéler du film, dont le suspense n'est pas le but premier - même si on peut trouver passionnant cette quête chantournée et labyrinthique de l'oeuvre idéale -, on sera un peu frustré de voir Jeanne se transformer en Géraldine (Pailhas), elle aussi formidable dans le rôle.
Presque constamment à l'écran, Bertrand Bonello clivera peut-être encore plus. On pourra le trouver un peu faiblard dans les scènes avec ses partenaires diverses, comme on pourra le trouver excellent dans son rôle d'artiste malade de sa difficulté à créer.
Accumulant les scènes improbables, comme celle se passant à la Cinémathèque française où l'on voit un extrait d'un film tout aussi improbable supposé tourné par Bertrand, et pour la mise en abyme, réellement tourné par Bonello, Antoine Barraud s'expose à des hauts et des bas dans sa narration déconstruite.
Au final, pourtant, on s'apercevra qu'on s'est laissé guider avec plus de plaisir que d'irritation dans ce dédale qu'est peut-être le cerveau d'un cinéaste en train de fabriquer son film. Sans doute, Barraud eut-il pu attendre d'avoir déjà une œuvre derrière lui pour réaliser son "Huit et demie" ou son "Stardust Memories".
À son crédit, on mettra tout à la fois sa manière de convoquer sur l'écran autant de belles œuvres picturales que celle qu'il a de provoquer des scènes hilarantes avec Nicolas Maury, acteur qu'on a déjà beaucoup aimé dans "Let's my people go" et "Les rendez-vous d'après minuit". Avoir pensé à lui, prouve qu'Antoine Barraud, dont il faut répéter les qualités de directeur d'acteurs, a de l'avenir.
On l'attend au tournant, en espérant qu'il saura s'émanciper des références cul-de-sac à Arnaud Desplechin. Et puis quelqu'un dont le chemin aboutit devant les extraordinaires tableaux de Léon Spilliaert ne peut qu'être prometteur.
"Le Dos rouge" fait partie de ces films qui ne font pas l'unanimité. Certains s'y ennuieront ferme, mais d'autres y sentiront passer le vent de l'époque, ce qui est devenu rarissime dans le cinéma français. Qui ne tente rien, n'a rien. Les curieux qui auront tenté savent qu'au moins "Le Dos rouge" d'Antoine Barraud les préservera de la mollesse et de la tiédeur de tant de films consensuels.
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