Monologue dramatique de Jean-Luc Lagarce interprété par Jacques Michel dans une mise en scène de Véronique Ros de la Grange.
Ne me dis pas que tu m'adores
Embrasse-moi de temps en temps...
Un mot d'amour c'est incolore
Mais un baiser c'est éloquent...
Derrière un rideau rouge à paillettes, assise sur un tabouret, "La Fille" se raconte. Dans le texte de Jean-Luc Lagarce, elle est entourée de deux "boys". Dans la version délicate de Véronique Ros de la Grange, elle est seule sur son fameux tabouret.
Ici, la chanteuse est un homme et cela n'a pas vraiment d'importance, sauf que son récit bascule dans un autre monde. Celui des cabarets de transformistes, celui de la rue Sarasate, celui d'Ingrid Caven dans la solitude fasbindérienne.
En choisissant Jacques Michel comme interprète, Véronique Ros de la Grange donne au texte de Lagarce une nouvelle dimension. Plus douloureuse, plus autobiographique.
L'écho de la chanson "De temps en temps" mitonnée par Albert Hornez et Paul Misraki pour Joséphine Baker, ponctue un monologue d'une qualité d'écriture magnifique. Jacques Michel, droit dans sa robe et ses jambes gainés dans des bas noirs, n'élève jamais la voix, raconte sans pathos cette vie ratée cachée dans une vie rêvée.
Dans la belle lumière de Danielle Milovic, il a des éclairs de beauté, se crée une histoire qui pourrait être résumée dans une phrase mystérieuse de Modiano. Sa manière de sourire avec une infinie mélancolie touche au cœur. Ses lèvres miment les mots de Joséphine Baker, les font vivre et le spectateur, hypnotisé, les suit, touché au cœur par la profonde blessure qu'elles expriment...
Ne me fais pas de longs poèmes
Ne parle pas de tes émois
Pour me prouver combien tu m’aimes
De temps en temps embrasse-moi.
Jean-Luc Lagarce, Joséphine Baker, Jacques Michel, grâce à ce trio fabuleux, Véronique Ros de La Grange parvient à hypnotiser le spectateur. Tout en sensibilité, ce "Music-Hall" pénètre profondément le cœur et l'âme et ce joli moment théâtral très réussi est de ceux que l'on oubliera pas. |