Spectacle conçu et mis en scène par Hélène François et Emilie Vandenameele et interprété par Pierre-François Garel.
Le Groupe ACM, acronyme de Armes de Construction Massive, collectif de recherche scénique formé par les comédiennes, auteures et metteuses en scène Hélène François et Emilie Vandenameele, frappe fort et juste avec "La dernière idole" opus dramatique qui hybride le biopic subjectif fragmentaire et le soliloque autocentré.
Une longue table de banquet jonchée de reliefs de repas et de cadavres de bouteilles et un seul et dernier convive, le roi de la fête, qui reste seul dans la pénombre. La fête est finie et il le sait.
Il a longtemps chanté "Je suis l'idole des jeunes", adaptation d'un tube américain sur l'amour, la fuite du temps et la solitude des idoles, qui a lancé sa carrière au début des années 1960 et l'érigea lui-même en idole. Les jeunes ne le sont plus mais il est resté une idole.
En cinquante années de carrière, il a tout eu, de l'argent à la gloire, les femmes aussi, les groupies qui se pâmaient à la simple idée de l'approcher du regard, une discographie impressionnante, une vie passée en tournées, tournées de concerts mais aussi d'alcool et de drogues pour ne voir ni la fin de la nuit ni le début du jour, pour combler le vide et l'ennui entre deux décharges d'adrénaline provoquées par la scène.
L'homme est fatigué et pourtant le papy yéyé-rock continue de chanter parce qu'il n'y a que la scène qui puisse chasser ses démons et la peur de la finitude, le faire sentir encore vivant. Il est la dernière idole parce qu'il est le seul de sa génération à n'avoir pas jeté l'éponge. Son nom n'est pas cité. Inutile, Johnny appartient déjà à la légende.
Assurant l'intégralité de la conception du spectacle, de l'écriture à la mise en scène en passant par la judicieuse scénographie, Hélène François et Emilie Vandenameele livrent une excellente partition monologale qui circonscrit, sous forme d'un voyage au bout d'une nuit, et de manière non chronologique mais impressionniste, le parcours sombre au milieu des spots et des paillettes d'un homme qui, débarrassé de l'anecdotisme biographique, constitue une figure héroïque.
Par ailleurs, elles ont eu l'excellente idée de la confier à Pierre-François Garel, déjà remarqué lors des représentations publiques du CNSAD dont il est issu, par son aisance janusienne à passer de la démesure à l'ascétisme du jeu, qui, bien évidemment hors de tout mimétisme avec le personnage réel, qu'il investit pour la transcender au terme d'une interprétation maîtrisée qui captive et subjugue. |