Réalisé par Oscar Ruíz Navia. Colombie/Argentine/France/Allemagne. Drame. 1h43 (Sortie le 27 mai 2015). Avec Jovan Alexis Marquinez, Angulo "Ras", Calvin Buenaventura Tascon, Gustavo Ruiz Montoya, Atala Estrada et Maria Elvira Solis.
Au moment où la nouvelle ère cannoise commence, comme de bien entendu par le triomphe des amis de la famille Canal Plus, on ira paradoxalement retrouver un peu de fraîcheur mental et cinématographique du côté de la Colombie.
Avec quelqu'un que l'on connaît déjà, Oscar Ruiz Navia, l'auteur de "La Barra" ("El Vuelco del Cangrero") qu'on est rétrospectivement assez fiers d'avoir découvert dès ce premier film. Ce jeune Colombien très francophile confirme donc avec "Los Hongos" tout le bien que l'on avait pensé de lui.
Et ce n'était pas gagné d'avance. Car, quand on a su que le thème de ce deuxième long-métrage était consacré à des skateurs-grafeurs de Cali, on a pu logiquement craindre de ne pas retrouver l'étrangeté poétique de "La Barra".
Les premières images de "Los Hongos" ont vite rassuré. L'amitié entre deux jeunes colombiens, Ras, noir et prolo, et Calvin, blanc de "bonne famille", transformant Cali en territoire de graffs et de virée nocturne en planche à roulettes, acquiert peu à peu son propre mystère.
Nonchalants, indolents, ces vitelloni colombiens ont de la suite dans des idées pourtant pas toujours clairs. On les accompagne dans cette ville tentaculaire qu'ils ont transformé en jungle urbaine. Le danger comme le détail saugrenu y règne.
Entre concert post punk et tabassage policier, nos deux héros font un saut dans leurs familles, occasion de découvrir de beaux personnages, comme la maman de Ras et surtout la grand-mère de Calvin.
Cette dernière qui crève l'écran et l'affiche du film est une sacrée petite bonne femme parcheminée au regard vif. Calvin l'aime profondément et ce taiseux tagueur communique par tous les pores de sa jeune peau avec celle qui, malgré sa fragilité, est l'élément dominant d'une famille au-delà du bizarre. Car que dire de son père, vedette exubérante de la télé locale ?
Si "Los Hongos" d'Oscar Ruiz Navia est un film complètement ouvert et dans la lumière, il n'est toutefois pas l'antithèse de "La Barra", film sombre et mutique. On retrouve des passerelles entre les deux œuvres, comme ce moment où, après avoir été capturés par des policiers les ayant surpris en pleine élaboration d'une "fresque" sur un mur, les embarquent et les relâchent en pleine nature.
Hors Cali, les voilà pareillement condamnés à l'errance comme la petite fille sur la plage dans "La Barra". Oscar Ruiz Navia est un cinéaste attiré par le "road-movie", mais un "road-movie" dont la destination finale est à l'intérieur de personnages pour qui les errances, dans les villes et les no man's land sont des quêtes cérébrales.
Toujours est-il que "Los Hongos" d'Oscar Ruiz Navia est un film pêchu et dépaysant dans lequel on se sentira bien et qu'on quittera à regret. |