Spectacle de la Compagnie 1927, mise en scène de Suzanne Andrade, avec Charlotte Debury, Lillian Henley, Rose Robinson, Shamira Turner, Will Close et le vidéaste Ben Whitehead.
Apparemment "Golem" est un spectacle référentiel mais ce qui fait sa force, c'est que chacun pourra y aller de ses références sans pouvoir vraiment prouver que ce sont les bonnes, celles qu'avaient en tête Suzanne Andrade en écrivant et en mettant en scène cette nouvelle fantasmagorie de la Compagnie 1927.
Comme le spectacle est volontairement très anglais, même si le Golem est plutôt, au départ, une légende hébraïque remise au goût du jour par l'écrivain Gustave Meyrink, on parlera d'univers orwellien, on y verra des allusions au "Brazil" de Terry Gilliam et par extension aux Monty Python.
Comme le Golem est un personnage en pâte à modeler qui apparaît sur la toile centrale où défile une vidéo, on pourra lui trouver une proximité avec les créatures de Nick Park, tels les célèbres Wallace et Gromit.
Mais, bien vite, les acteurs qui s'agitent devant cet écran vidéo, et peuvent parfois s'y incruster dans les portes et fenêtres prévus à cet effet, donnent une autre dimension à ce "Golem".
Leurs actions mécaniques en font des créatures qu'on verrait bien dans "Métropolis" de Fritz Lang. Leurs habits, leurs "barboteuses", rappelleront les tenues de Jaque-Catelain dans les films de Marcel L'Herbier, comme "L'inhumaine", qui véhiculent tout le modern art, utilisent les décors de Mallet-Stevens, les tableaux des Delaunay, les costumes de Poiret...
Il y a donc tout ça et plein d'autres choses dans "Golem". A commencer par de la musique, parfois planante, parfois en situation, comme l'accordéon dans la scène du "café parisien". Cette musique est le fait de deux musiciens placés de part et d'autre de la scène. A l'image du reste de la troupe, ils/elles sont toujours dans des tenues "futuristes" des années 1920, toujours d'un raffinement teinté d'une pointe d'humour kitsch.
Car "Golem" est une explosion de couleurs et d'idées qui s'enchaînent à vive allure dans un tourbillon contradictoire, mais toujours de bon goût, illustré par tous les éléments qui défilent sur l'écran vidéo riche des superbes animations de Paul Barritt. Le petit personnage principal, qui n'est pas sans rapport avec le ludion "Charlie", celui que l'on cherche dans les albums "Où est Charlie ?", passe son temps à courir à l'unisson des décors ou des ambiances qui se succèdent sur l'écran vidéo.
Grand album à colorier au formalisme très réussi, "Golem" s'appuie sur la description minutieuse d'une civilisation à la "Métropolis" ou à la "1984" où par la voie de la machine, l'inhumain aura pris le contrôle des hommes.
Tout ici est réussi sans prêchi-prêcha, avec un humour qui évite les dérives prétentieuses de l'humour anglais, et qui, pour une fois, ne tue pas la poésie qui affleure, un poésie qui n'hésite pas à emprunter de jolis accents mélancoliques.
On plaint Michel Gondry qui n'a jamais réussi à atteindre le niveau de Paul Barritt dans ces bricolages vidéo. On ne plaint pas moins Robert Wilson qui en un demi-siècle n'est jamais parvenu à cette légèreté, qu'on se souvienne de son spectacle assez proche de "Golem", "The Old Woman" avec Willem Dafoe et Mikhail Baryshnikov.
Féérie d'aujourd'hui, "Golem" synthèse et recyclage de toutes les imaginaires modernistes, est à consommer sans modération, dans la jubilation de savoir que cette époque où domine le cynisme associé au ludique, peut encore produire son contraire: l'exaltation de l'esprit d'enfance. |