Comédie dramatique écrite et mise en scène par Delphine Hecquet, avec Hélène Alexandridis, Julie Duclos et Vladimir Kudryavtsev.
Dans le parloir d'une prison, deux femmes vont se retrouver régulièrement pendant une année. L'une est écrivain, l'autre, d'origine russe, est détenue depuis plus d'une dizaine d'années après avoir assassiné son mari.
La prisonnière souhaite écrire sa propre histoire, mais devant la page blanche elle va demander de l'aide à la jeune auteure.
Pour les deux femmes, l'acte de se rencontrer est volontaire. L'écrivain espère comprendre le pourquoi de l'acte de celle qu'on avait surnommé "la folle de Gironde", la détenue espère briser la monotonie de ses journées et ainsi quitter la "parenthèse insupportable" de son incarcération.
Dans le texte de Delphine Hecquet, avant même l'écrit, l'importance est donnée à la parole qui se noue entre les deux femmes. "Balakat" signifie bavarder en russe. Du dialogue va naître le sens : écrit-on pour se connaître, ou au contraire pour s'éviter ? Pour la criminelle l'écriture s'apparente à la psychanalyse, pour l'auteur à une forme journalistique dans son rapport au réel puisqu'elle "manque d'imagination".
Le dispositif scénique se réduit au strict minimum, une table et deux chaises au milieu du plateau. Les rencontres se suivent, tour à tour les comédiennes tournent le dos au public en fonction du siège choisi. Fortement éclairé cet îlot au centre de la scène est le seul lieu d'échange au sein de l'univers carcéral, représenté par l'ombre autour des deux protagonistes.
La mise en scène de Delphine Hecquet, au fond du plateau, Vladimir Kudryavtsev restera toujours présent comme une oreille discrète, un maton silencieux.
Hélène Alexandridis développe, dans le rôle de la détenue, un jeu solide où les silences et les poses immobiles en disent aussi long que les mots. Face à elle, dans le rôle de l'auteure, Julie Duclos, sobre, s'efface peu à peu, subtilement, car face à l'autre femme, elle prend conscience que dans sa propre existence, pourtant "normale", il demeurera toujours du flou, du sombre, de l'indéterminé.
Théâtre exigeant et minimaliste, "Balakat" de Delphine Hecquet montre que, la recherche de soi-même ne passe pas par l'affirmation du moi mais plutôt par la mise en présence d'énergies chaotiques et contradictoires, que ce soit dans le cabinet du psychanalyste, voire dans l'univers clos et ritualisé du parloir. |