Comédie dramatique d'après les oeuvres de William Shakespeare, mise en scène de David Czesienski, avec Roxane Brumachon, Bess Davies, Mathieu Ehrhard, Baptiste Girard, Lucie Hannequin, Marion Lambert et Tom Linton.
Tout commence par un coup de théâtre théâtral. Un des acteurs de la troupe s'avance au devant de la scène pour faire un aveu au public : on ne va pas assister à une représentation de "Timon" pas plus qu'à celle de "Titus" ni à un montage des deux pièces de Shakespeare.
Et pourtant, avant même le début de la représentation, on distinguait les acteurs dans la pénombre dans des positions pouvant préfigurer Shakespeare. L'un d'entre eux était en crucifié, d'autres gisaient dans leur sang. Il y avait même une tête qui ne cessait de tourner, comme au temps du Grand-Guignol. Tout cela donnait l'impression qu'on allait être avoir une version bien saignante de "Titus", première tragédie de Shakespeare où les meurtres sont innombrables.
Fausse piste encore, puisque pendant le laïus de leur compagnon, les autres acteurs en profitent pour se rhabiller et s'asseoir chacun derrière une petite table munie d'une lampe de bureau. Quand leur porte-parole aura fini sa tirade, il les rejoindra les sept acteurs vont alors discuter de grands sujets, comme s'ils participaient à une émission de radio. Thème du jour : la dette. Avec pour objectif de payer aux spectateurs celle qu'ils leur doivent puisqu'ils ne vont pas jouer Shakespeare.
Pour s'en acquitter, partiellement, ils vont interrompre leur émission pour résumer - et cela leur prendra quelques dizaines de minutes - l'intrigue de Titus. Puis, ils vont illustrer leurs propos par l'exemple d'une famille très "Cluedo" qui va se déchirer pour l'héritage laissé par leur père tyrannique et adultérin, constitué par un château à conserver ou à se partager.
On aura compris avec ce résumé déjà assez embrouillé que le Collectif OS'O, constitué par ces sept acteurs, et leur metteur en scène David Czesienski, ont conçu une œuvre originale qui pourrait se résumer sous la forme d'un oxymore : un spectacle intelligent et distrayant.
Intelligent, car leurs discussions sur ce que la dette, le crédit et l'argent veulent dire sont tirées de "Dette 5000 ans d'histoire", un livre fort savant d'un anthropologue américain, David Graeber. Distrayant, car la partie "murder case" à l'anglaise ou à la Bordelaise, qui aurait pu être illustrée par Floc'h, filmé à la "Smoking/No Smoking" par Alain Resnais, ou joué par la troupe du Splendid de la grande époque, fourmille de gags à mourir de rire.
Intelligent et distrayant, deux qualités que l'on n'a pas toujours l'habitude d'associer au travail des jeunes compagnies. Et l'on est presque étonné que ce spectacle de belle facture décalée ait pu ainsi échapper à la vigilance officielle.
Ni narcissique, ni prétentieux, cherchant à dire des choses importantes par la voie théâtrale, "Timon/Titus" fait plaisir à voir et à entendre. Et puis, malgré leur feinte dénégation, ces joyeux drilles paient plus que leur dette puisqu'ils parviennent à glisser de bons gros morceaux de Shakespeare au cœur de leurs réjouissantes élucubrations. Une réussite ! |