Texte écrit par Pascal Rambert et dit par Denis Podalydès dans une mise en espace de l'auteur.
Il arrive en tee shirt bleu, jeans bleus et mocassins beige. A la main, un petit livre broché, de couleur bleue aussi, celle des "Solitaires intempestifs", l'éditeur de Jean-Luc Lagarce et de Pascal Rambert.
Au milieu de la belle scène des Bouffes du Nord, dans la douce lumière d'Yves Godin, Denis Podalydès commence sa lecture.
"Ce serait l'été..." et le TGV prendrait toujours la direction d'Avignon tous les étés passés et présents. Le texte de Pascal Rambert ne parle pas tout de suite d'Avignon ni de théâtre, il s'attarde sur le train, ses passagers, ses trajets, comme si les voyages ferroviaires étaient déjà du théâtre, les prémisses des représentations à venir.
Comme à son habitude, qu'il lise un texte de Philip Roth où "Les derniers jours de l'humanité" de Karl Krauss, Denis Podalydès évite les effets. On est loin de la grandiloquence luchinienne. Tout chez le comédien du Français est dans la modulation. Il captive son auditoire par l'apparente simplicité de son travail sur sa voix et son débit.
Faisant face au public, il se retournera une unique fois quand Rambert évoquera deux grandes figures du théâtre disparues, Jean-Paul Roussillon et Antoine Vitez. Il faut dire qu'à ce moment le texte a pris la route de l'émotion. Podalydès la ressent de plein fouet quand il ose de dos hausser le volume de sa voix : "Roussillon manque !". Roussillon qui, pour Rambert, faisait "de chaque mot un monde".
Rambert, dans son TGV qui n'en finit pas de ne pas arriver à Avignon, évoque tous "ses" morts qui sont ses compagnons de wagon. A commencer par Pétrarque, le premier poète qui séjourna dans la cité papale. Mais il y a surtout toutes ses grandes figures mortes qui sont toujours là, dans cet Avignon ferroviaire : Antoine Vitez, Richard Fontana, Alain Crombecque, Jean-Luc Boutté... Il se lamente : "Pour qui travailler aujourd'hui sans votre regard ?"
Et puis, il y a tous ceux d'avant, ceux qu'il n'a pas vus, pas entendus... Pascal Rambert martèle les "Je n'ai pas vu", les "Je n'ai pas assisté à" à la manière de Perec égrenant ses "Je me souviens". Son Avignon est tous les Avignon. C'est une drogue dure dont on ne peut être sevré. Public, comédiens, hommes de théâtre, dramaturges, tous à Avignon, au début de chaque été, sont des toxicos. Parfois, heureusement, le théâtre peut fournir "quelques grammes d'or" à ces accros.
Ce beau texte, si l'on n'a pas la chance d'avoir vu Denys Podalydès le dire, est à lire. En sortant du train, en arrivant à Avignon, Rambert explique que l'on reçoit immédiatement une "claque climatique". En le lisant, ou en l'écoutant lu magistralement par Denis Podalydès, on recevra une vraie claque littéraire : "Notre vie c'est Avignon et Avignon c'est Avignon à vie". |