Comédie dramatique de Harold Pinter, mise en scène du Tg STAN, avec Robby Cleiren, Jolente De Keersmaeker et Frank Vercruyssen.
Une fois de plus, avec "Trahisons", Tg STAN convainc par sa simplicité, sa capacité à ne pas sacraliser une œuvre.
Frank Vercruyssen, l'un des trois membres du groupe présents sur scène avec Robby Cleiren et Jolente De Keersmaeker, considère pourtant la pièce d'Harold Pinter comme un texte contemporain majeur.
A l'aide d'une brillante variation sur le trio classique du théâtre bourgeois, mari-femme-amant, Harold Pinter s'est appliqué à mettre à jour la mécanique amoureuse, celle qui fait qu'on peut trahir un ami ou mentir à celui ou celle qu'on aime ou qu'on a aimé.
Par saynètes successives, fixant quelques moments-clés de leur histoire, les trois protagonistes remontent le temps, jusqu'à la scène initiale, celle qui déclenche le "bing-bang amoureux".
Comme toujours, les Tg STAN sont dans l'économie scénique, mais une économie scénique signifiante. Tout autour du cœur de la scène, vide et n'attendant qu'à être peuplé de sièges ou de tables, il y a des éléments évidents : radio, lit, livres, plateaux repas, verres.
Des éléments qui seront distillés pendant que le trio s'embarque dans un jeu viral de "j't'aimais-j't'aime plus". Sans briser le "suspense" d'une pièce qui va à l'essence des choses, ici, l'élément clé est le verre de vin vidé dans des pots puis rejoignant d'autres verres de vin déjà déposés sur le devant de la scène. Le cimetière de verres qui se constitue aura son importance dans ce monde des apparences où l'alcool désinhibe les sentiments.
On suit ces tranches de vie dans la bourgeoisie intellectuelle anglaise avec intérêt, nullement gênés par des retours en arrière matérialisés par des musiques ou des vêtements datant les époques. Ainsi, Emma, par itérations successives, passe de la quadragénaire habillée sans apprêt à la jeune femme jeune mariée dans sa robe décolletée argentée.
Comme à leur accoutumée, les Tg STAN s'approprient la langue de l'auteur et, sans doute, les connaisseurs de Pinter auront du mal à retrouver ses mots, a fortiori ses mots d'auteur. Pareillement, les Tg STAN se seront dédouanés de la traduction d'Eric Kahane, dont on connaît le goût pour les préciosités.
Dans leur version, traduire n'est pas trahir, mais dire l'essentiel, quitte à le reformuler dans sa vérité scénique. De ce travail minutieux et généreux avec le texte, il se dégage le sentiment qu'il n'a jamais été dicté que par l'idée de jouer "Trahisons" telle qu'elle a été écrite par Pinter.
Il ne s'agit pas de revisiter mais d'approfondir, de faire comprendre. Heureux ceux qui découvriront Pinter par cette adaptation de "Trahisons", heureux ceux qui le redécouvriront enfin loin de tant d'errances égotiques. On paraphrasera Jacques Rivette en concluant que l'évidence est la preuve de l'immense talent des Tg STAN. |