Son Lux est mort, vive Son Lux ! Projet solo devenu trio suite à une tournée démentiel, Son Lux nous présente son nouvel opus, Bones. Né durant la tournée de Lanterns, ce nouvel album n’est plus le simple fruit de l’esprit perfectionniste de l’esthète classico-électronique Ryan Lott, mais bien un album qui doit autant au guitariste Rafiq Bhatia qu’au batteur Ian Chang. Le temps d’un bain de soleil sur le bord du Canal Saint-Martin, Ryan a répondu à nos questions.
Son Lux se présente maintenant comme un groupe de 3 musiciens et non plus comme ton projet solo, mais il me semble que c’était déjà le cas lors de ta tournée précédente.
Ryan Lott : En effet, mais la différence est que je n’ai jamais enregistré d’album en tant que groupe. J’ai mis en place ce groupe pour la tournée de Lanterns. Même si c’est mon troisième album, c’était le premier que j’ai pu réellement jouer en tournée. Mais j’ai eu beaucoup de chance quant au groupe que j’ai trouvé. Je ne connaissais pas du tout Ian et à peine plus Rafiq. Je voulais créer un groupe pour la tournée, ce devait être l’histoire de quelques semaines, peut-être quelques mois, mais j’ai rapidement compris que quelque chose de spécial prenait forme. Le fait aussi que Son Lux en live ne soit pas juste un type derrière son ordinateur, mais un trio dynamique a beaucoup participé à développer de nouveaux horizons.
Rafiq Bhatia est connu pour son jeu de guitare dérivé du jazz, sur scène on voit bien qu’il apporte une touche inédite à tes productions.
Ryan Lott : Absolument, l’alchimie qui a lieu entre nous trois et très inspirante. Nous avons réalisé qu’on ne devait pas juste continuer notre tournée, même si nos concerts ont été couronnés de succès et qu’on est soudainement devenu bankable. J’ai très vite réalisé que l’on devait faire un album pour capturer cette alchimie, c’est de là qu’est venu Bones.
Où as-tu trouvé le temps d’enregistrer cet album ? Entre la sortie de Lanterns et la tournée mondiale qui a suivi…
Ryan Lott : On l’a fait durant la tournée. On a fait près de 160 concerts l’année dernière, dès qu’on avait un peu de temps on travaillait sur l’album !
Vous n’avez pas eu besoin de faire une pause ? Ou au contraire vous vouliez profiter de l’élan de l’énergie de vos lives ?
Ryan Lott : C’était fatiguant, mais aussi très excitant, on ne voulait pas s’arrêter.
Autrefois labellisé sous l’appellation de "laptop musician", tu es maintenant perçu comme un groupe, est-ce que de ton coté cela impact ta façon de voir ta musique ?
Ryan Lott : Je n’ai jamais vraiment joué live avant Lanterns, précisément parce que je ne voulais pas devenir un "laptop musician". J’ai joué du piano très longtemps, de fait je me considère plutôt comme un musicien traditionnel. Dès le début, j’ai trouvé étrange d’être reconnu comme un musicien électronique. Son Lux a été un projet solo, parce que c’était la meilleure chose à faire à l’époque et j’ai utilisé l’électronique surtout pour des textures et harnacher plusieurs sons : tout a pris forme au travers de l’électronique, mais à l’origine ce n’était pas vraiment de l’électronique.
Dans ta façon de composer et de spatialiser le son, on reconnait quelques élans issus de la musique classique.
Ryan Lott : Et maintenant que j’ai un groupe, nous essayons toujours de ne pas produire un titre qui soit pré-déterminé par la forme qu’il devrait avoir une fois joué en live. Nous essayons de nous concentrer sur la forme exacte que nous voulons offrir au titre, même si cela provoquera des difficultés pour le live.
C’est une production en deux temps.
Ryan Lott : Exactement, une première, la version album, une seconde, la version live. Notre perception de la musique en live est très différente de celle dans des écouteurs. En tant que musiciens, nous devons penser à cette différence, beaucoup d’artistes jouent en live le même titre que la version album et je pense que c’est une erreur. C’est d’ailleurs l’une des plus belles choses dans la musique, les perceptions changent selon le médium !
Est-ce que composer avec trois têtes est également un nouveau médium ?
Ryan Lott : Cela aurait pu être plus difficile, mais c’était bien plus simple, surtout grâce à la confiance qu’on a développé les uns dans les autres. Si je prenais la plus part des décisions artistiques, je pouvais toujours compter sur eux pour essayer mes idées, les mettre à l’épreuve et au final, à trancher. Ils m’ont donné beaucoup d’idées constructives que je n’aurai jamais pu découvrir de par moi-même. Donc en réalité travailler à trois a facilité le processus créatif.
Est-ce la force et l’élan de votre tournée qui a rendu le processus de création simple ?
Ryan Lott : Je pense oui, mais également l’élan produit par notre amitié.
Visuellement, on retrouve toujours chez Son Lux une dualité très marquée entre les ombres et la lumière. Sur Bones, on repère trois rayons de lumière transperçant les nuages, qu’elle est l’idée derrière cette pochette ?
Ryan Lott : C’est un ancien symbole d’unité. J’ai trouvé ce symbole longtemps avant la création du groupe, j’y pensais depuis très longtemps.
Il est très différent de celui de l’éclipse de Lanterns, moins sombre, y a-t-il un parallèle à faire avec ta musique ?
Ryan Lott : Il est toujours géométrique. La musique de Bones est plus colorée, c’est plus vivant et lumineux, mais il y a aussi une bonne part d’ombre dans l’album.
Il y a ce titre "This Time" qui passe d’une percussion un peu obscure avant de trouver une forme plus lumineuse avec une explosion de chants impressionnants. Des ténèbres vers la lumière, ou bien l’inverse, on retrouve également ce schéma sur Lanterns.
Ryan Lott : C’est une bonne observation. Il n'y a pas de narration sur Bones, mais l’espoir et la naïveté sont les deux sentiments qui s’imposent sur l’album. Ils se complexifient au cours de l’opus, deviennent des sentiments plus honnêtes et difficiles. Le titre "Change Is Everything" commence avec les paroles "lets be anyone but us tonight", il y a l’idée de liberté inhérente qui est au final très naïve. Mais graduellement, les choses sont moins simples et on finit l’album avec une touche bien plus humble, même au niveau de la mélodie, avec "Breathe Out".
A l’oreille, le passage de Lanterns à Bones semble gagner en légèreté, moins sombre, était-ce l’idée primaire ?
Ryan Lott : D’un point de vue musical, les mélodies et les refrains de Bones sont plus puissants. Les mélodies sont également plus claires, du coup l’album est naturellement plus simple d’accès. Cela affecte très fortement la perception globale de l’album. D’ailleurs, c’est aussi très visuel, il y a une tension. C’est l’idée derrière Bones, les os, c’est ce qui nous définit, ce qui nous structure, ils représentent tout autant notre propre cage personnelle qu’une béquille sur laquelle on peut s’appuyer.
(NDLR : Ryan emploi ici le terme "crotch").
Quel est ton positionnement par rapport à l’offre de musique en ligne et bien sûr Spotify ?
Ryan Lott : C’est un sujet complexe, je pense que le monde a évolué et que les musiciens ne font pas de la musique, en premier lieu, pour vendre. C’était vrai auparavant, mais je n’ai pas la sensation que ce soit encore le cas aujourd’hui. Cela dit, je n’affirme pas que la musique n’ait pas de valeur ou que personne ne doive y investir de l’argent, mais je pense que l’on devrait avoir le choix entre vendre ou donner sa musique. Je sais que Spotify et d’autres médiums du même genre sont des outils utiles pour être connu. J’ai découvert cela durant notre tournée, on aime bien s’occuper nous même de notre Merch’, ça nous permet de rencontrer notre public. On leur demande souvent comment ont-ils connu Son Lux et l’une des réponses les plus communes c’est "par Spotify".
Le calcul est facile : quelqu’un me découvre sur Spotify, vient à mon concert, achète un vinyle, un t-shirt ou les deux et en une soirée une seule personne a dépensé pour ma musique et m’a également offert une rencontre et un échange unique. Tout cela est possible parce qu’ils m’ont découvert via un système en ligne qui me vole mes "royalties". Donc j’en viens à me demander si la véritable valeur de ma musique est dans la connexion que j’ai avec mon public, celui qui finit par acheter un CD et vient en concert après m’avoir découvert sur internet ou celui qui n’entendra jamais parler de moi ? La vérité, c’est que je gagne quand même de l’argent via Spotify, mais très indirectement. Essayer de gagner de l’argent en vendant des disques, c’est comme manger un bol de céréales avec un tournevis. Ça reste un choix personnel, pour certains artistes ça reste un moyen important de se faire connaître, bien sûr si tu es Taylor Swift tu n’en as pas besoin. Quoi qu’il en soit, Spotify reste un bon outil pour découvrir de nouveaux artistes.
Cette semaine, c'est le retour de la MARE AUX GRENOUILLES, vendredi soir à 21h en direct sur Twitch, c'est gratuit alors on compte sur vous ! D'ici là, voici le programme de la semaine. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !