Réalisé par Anna Muylaert. Brésil. Drame. 1h52 (Sortie le 24 juin 2015). Avec Regina Casé, Michel Joelsas, Camila Márdila, Karine Teles, Lourenço Mutarelli et Helena Albergaria.
Comment traduit-on "feel good movie" en portugais ? Peut-être bien par "Que horas ela volta ?", titre original d'"Une Seconde Mère" d'Anna Muylaert.
Prix du public à Berlin, prix d'interprétation féminine à Sundance, "Une seconde mère" est un film qui devrait réunir les spectateurs amateurs de comédies réussies et ceux qui aspirent en savoir plus sur des pays qui n'occupent pas souvent les écrans.
Depuis des années, Val s'occupe de l'intendance d'une famille aisée de Sao Paulo. Femme de ménage, cuisinière, elle a été aussi la nounou de Fabinho, le fils de la maison, qui continue, lycéen, à venir lui confier ses peines, voire à dormir à ses côtés. Mais si la truculente Val est vraiment la "seconde mère" de Fabinho, comment définir la relation, ou plutôt l'absence de relation, qu'elle entretient avec sa propre fille, Jessica, qu'elle a dû délaisser en entrant au service de la famille de Fabinho ?
L'histoire d'"Une Seconde Mère" est précisément l'histoire des retrouvailles de la mère et de la fille, et des conséquences de celles-ci sur la vie de cette famille qui se reposait entièrement sur Val.
Métaphore du Brésil moderne où, depuis l'arrivée au pouvoir du "Parti des travailleurs", le vieil ordre établi semble - tout au moins vu de France - en passe d'éclater, "Une seconde mère" d'Anna Muylaert n'élude pas les tensions sociales. Mais, pour éviter tout schématisme "marxiste", il montre les différences et les fractures plutôt par l'anecdote d'un cadeau offert ou reçu plutôt que par des passes d'armes sur l'incompréhension des classes sociales.
Et puis, surtout, Anna Muylaert utilise le prisme d'un "fantastique social" mi sérieux- mi amusé. L'arrivée de Jessica dans la famille des patrons de Val provoque des comportements inattendus, à la limite du saugrenu. Des comportements qu'on pourrait qualifier d'"Ozoniens". Ainsi, Carlos, le père se débride et lâche prise, pendant qu'Edna, la mère, ne sait plus quoi penser.
Mais c'est Val qui découvre peu à peu que tout ce qui peuplait sa vie, à commencer par son rapport à cette famille dont elle croyait faire partie, n'était qu'une illusion fausse. En quelques plans où elle rayonne, on comprend tout ce que Regina Casé incarne aux yeux des Brésiliens. Anna Magnani moderne, elle ne s'apitoie pas sur son sort, ne tire pas son personnage vers le pathos. Ici, l'appétit de vivre est premier et les solutions trouvées n'ont rien de dramatique.
"Une Seconde Mère" d'Anna Muyalert indique simplement que les temps anciens du paternalisme sont révolus. Cela ne signifie que le monde à venir sera meilleur et qu'on ne perdra pas en fraternité, même si cette fraternité de circonstances reposait comme ici sur un échange inégal.
Le Brésil, sous la bannière de la bonne humeur de Regina Casé, entre dans un autre monde où l'on marquera moins les classes sociales, mais où le combat n'en sera pas moins âpre. |