Vendredi ou les limbes du Pacifique
(PIAS) juin 2015
Romain Humeau profite de la pause d'Eiffel pour se consacrer à plusieurs projet en parallèle. A la rentrée dernière, il avait réalisé et arrangé l'album Acoustique de Bernard Lavilliers ; il bosse actuellement sur les 34 titres de son deuxième album solo et il sort également demain Vendredi ou les limbes du Pacifique, sa vision du roman de Michel Tournier.
L'idée est partie d'une demande du réalisateur Alexandre Plank pour Fiction Pop, un projet de France Culture. Le but : composer des musiques et des chansons, inspirées d'une œuvre littéraire. Romain a donc choisi de réinterpréter Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier (1967), roman qui l'accompagne depuis le lycée. Une histoire de naufrage, de perdition puis d'un réveil, de la découverte de l'autre et l'apprentissage d'une nouvelle vie.
Sur ce disque, Romain a composé 17 musiques et 8 chansons. Pour l'enregistrement, il s'est entouré de l'Orchestre National de France et des musiciens qui l'accompagnent avec Eiffel ou sur son prochain album solo (Nicolas Bonnière et Guillaume Marsault). La narration de l'histoire a été confiée au comédien et acteur Denis Lavant.
Tout débute par le naufrage : une musique inquiétante, des chœurs puis le fracas du bateau, suivis d'une musique énergique et Romain qui chante "Once upon a time loneliness". A la fin du titre, le récit débute et Robinson se réveille sur une île. Les titres "L'évasion", "L'île de la désolation", la chanson "Loneliness" (avec sa mélodie qui revient sur plusieurs titres) et "La grotte" nous racontent la découverte de l’île et la solitude de Robinson. La voix de Denis Lavant et le rythme de la narration se marient à merveille avec les musiques ; on est vraiment emporté dans l'histoire avec Robinson.
On traverse ensuite la déchéance de Robinson s’enlisant dans la solitude et la folie. Le réveil vient avec les sonorités africaines de "Clepshydre" et la chanson "Robinson". Un détour un peu plus électro avec "Tarot" puis c'est le tour de la planante chanson "Sperenza". La sexualité de Robinson est évoquée avec le titre "La Combe" avec ses percussions et son air répétitif. "Bunk Of Scool" revient au rock : guitares et distorsion sur la voix, un rythme désinvolte et joyeux... excellent titre !
L'histoire continue avec l'arrivée de Vendredi ("Araunca"), le racisme de Robinson et les guitares de "Andoar", l'insoumission et l'insubordination de Vendredi dans "Mandragores". Romain nous offre ensuite un petit détour avec "Errons dans les landes où rien ne s'interpose à nos lubies" avec un chant ayant un petit côté hip-hop bien sympa.
Tout s'accélère avec "L'explosion", "Chaos" et "Camarade éolien". La narration se fait plus incisive et tranchante, les guitares plus saturées, avec une alternance de riffs lourds de guitares, la batterie qui martèle plus fort et plus rapidement. Le monde construit et régi par Robinson est détruit et, peu à peu, sa vision du monde et sa relation avec Vendredi vont changer.
La fin du récit se déroule avec trois chansons. "Friday" avec ses arpèges à la guitare, la voix de Romain en avant et les sifflements juste sublime. Le retour possible arrive avec le navire "Whitebird" et son "I've got a new heart and it's being here" nous résumant la pensée de Robinson. Le disque se termine avec "Mille soleils rois" et la situation de Robinson : "Fort comme un seul homme ayant bien connu l'enfer, de tout damné solitaire". J'aime particulièrement sa mélodie sifflée comme une histoire qui s'envole et continue.
Au final, un disque et un voyage à découvrir ! Une adaptation fidèle (ne manque que le départ de Vendredi et l'apparition du petit mousse) de l’œuvre de Michel Tournier... un très bel hommage à ce roman. Tout tient la route, des compos de Romain à la voix et la narration de Denis Lavant. Une musique, avec ses diverses sonorités, et une voix complémentaires, transportant notre imaginaire sur "Sperenza" pour assister aux pérégrinations physiques et mentales de Robinson. Personnellement, un gros coup de cœur pour "Bunk Of School" et "Friday" ! Une adaptation qui vous donnera sûrement envie de vous plonger dans le bouquin original. A noter également, la superbe pochette de Rebecca Dautremer.
Une représentation aura lieu au festival d'Avignon le 17 juillet 2015.
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