"Elle était capable de lire l'heure sur une horloge cassée."
Ecrire sur la musique d’un film dont on a strictement vu aucune image n’est pas forcément une chose aisée. On peut se rattacher à l’univers plein de virtuosité picturale et narrative de son réalisateur : Paul Thomas Anderson (Boogie Nights, Magnolia, Punch-Drunk Love ou encore There Will Be Blood et The Master) ou aux souvenirs de la lecture du livre du fantastique de Thomas Pynchon (Crying Of Lot 49, Gravity’s Rainbow, Vineland, Bleeding Edge…). On peut attaquer aussi l'écoute de cette B.O. par le versant purement musical, par le biais de son compositeur Jonny Greenwood. C’est la troisième collaboration consécutive entre le réalisateur Américain et le guitariste Anglais après There Will Be Blood en 2007 et The Master en 2012.
Paul Thomas Anderson s’est donc attaqué au roman de Thomas Pynchon, Inherent Vice. Le pitch est assez simple même si l’histoire est absolument labyrinthique : les années 70, Doc Sportello détective privé qui aime se retourner la tête avec des substances planantes vient en aide à son ancien amour, Shasta, devenue la compagne du milliardaire véreux Mickey Wolfmann qui a mystérieusement disparu. A charge du guitariste de Radiohead de mettre de la musique dessus.
Au niveau ambiance, on reste dans une atmosphère opiacée mid tempo psychédélique. Si les influences d’une certaine musique contemporaine, Messiaen (un peu), Jolivet (pas beaucoup) mais surtout Penderecki (ultrachromatisme, glissandi, travail sur la couleur sonore des cordes) sont moins significatives que dans The Master ou dans le plus intéressant musicalement There Will Be Blood, les envies d’une musique symphonique savante, peut-être plus abordable dans ce disque que précédemment, sont-elles toujours bien présentes. Ici, il n’est donc point question d’atonalité mais plutôt d’impressionnisme naïf.
Pour renforcer l’effet décalé et un brin onirique, Greenwood intercale avec sa musique des morceaux de Can ("Vitamine C"), du rock and roll des années 60, The Marketts (Here Comes The Ho-Dads), "Sukiyaki" de Kyu Sakamoto, un titre de Neil Young ("Journey Through The Past"), de la soul ("Les Fleurs" de Minnie Riperton) et "Any Day Now" de Chuck Jackson. Surtout, et spécialement pour les fans de Radiohead, y figure également "Spooks", morceau issu des sessions d’enregistrement d’In Rainbows et interprété ici par Greenwood, Gaz Coombes et Danny Goffey (deux anciens membres de Supergrass) et rehaussé par la voix de Joanna Newsom (la chanteuse interprétant le personnage de Sortilège dans le film d’Anderson).
Rien de transcendant, mais rien de désagréable non plus (on aime assez les clins d’œil mélodiques à Bernard Herrmann, Gavin Bryars ou Laurent Petitgirard, le traitement des bois, notamment le cor anglais) et puis cette partition a au moins le mérite de remplir son bon office !
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