Réalisé par Marco Turco. Italie. Biopic. 1h48 (Sortie le 5 août 2015). Avec Vittoria Puccini, Vinicio Marchioni, Francesca Agostini et Stéphane Freiss.
"Vacances", ça rime à peu près avec "indulgence". C'est donc sous le signe de l'indulgence que l'on abordera "Oriana Fallaci" de Marco Turco.
À l'origine, ce biopic est un téléfilm en plusieurs parties racontant sur plusieurs dizaines d'années la vie de la célèbre journaliste florentine Oriana Fallaci.
Cette version pour le cinéma souffre donc d'un des maux de ce genre de production, celui d'un manque de fluidité entre les périodes traitées. Même si le montage peut faire des miracles, on sent des trous dans la narration.
Si l'on associe ce défaut au manque de moyens inhérent aux productions télés, que l'on constate par exemple dans la séquence vietnamienne, il faut considérer "Oriana Fallaci" comme une plongée partielle, aléatoire, dans le destin extraordinaire de la journaliste controversée.
On pourrait, pour poursuivre dans l'indulgence, comparer "Oriana Fallaci" de Marco Turco au "Carlos" d'Oliver Assayas, où l'on suit une autre figure mythique de la seconde moitié du vingtième siècle. Dans les deux cas, les évènements qui se succèdent fonctionnent comme des "Je me souviens", mêlant politique, nostalgie et exotisme.
Certes, à l'inverse du film de Turco, "Carlos" est un téléfilm à charge contre le terroriste, qui revisionne les années "révolutionnaires". Dans "Oriana Fallaci", il n'y a pas vraiment réécriture de l'Histoire que l'ardente madone du journalisme parcourt un appareil photo et un nagra en mains. On serait plutôt dans l'évitement, dans l'oubli de tout ce qui peut fâcher, de tout ce qui peut valoir polémique.
Le film préfère privilégier le moment fort de Fallaci, celui qui lui a permis d'écrire son livre le plus fort et le plus célèbre, "Un homme", consacré à son grand amour, l'activiste grec Alexandros Panagoulis.
"Love Story" sous fond d'effervescence grecque pendant et après la Dictatures des colonels, les aventures d'Oriana et Alexandros constituent le meilleur moment du film de Marco Turco. Finie la reconstitution bon marché de Saïgon, avec Stéphane Freiss en prime en beau quinqua de l'AFP, avec l'épisode athénien des aventures de la reporter Tintina Fallaci, voilà le règne des grands sentiments démocratiques.
Le charme opère avec le Parthénon en arrière-plan et prépare à s'intéresser à l'album d'Oriana en Iran, chez un ayatollah Khomeiny parlant curieusement en français...
L'énergique et féministe Oriana n'est pas du genre à se laisser marcher sur la burqa par un prophète barbu et l'on louera son courage - ou son inconscience - journalistique qui la pousse à demander au père de la Révolution iranienne pourquoi il ne mène pas la politique laïque du Shah...
Pour incarner la vindicative Oriana, Marco Turco a fait appel à Vittoria Puccini, toute douce et charmante. Erreur de casting ? Peut-être. En tout cas, si Vittoria n'a pas le regard dur, acéré qu'on lit sur les photos de son modèle, elle convainc dans ce personnage qu'elle habite pendant presque un demi-siècle.
"Oriana Fallaci" de Marco Turco est donc loin d'être un chef-d'oeuvre. Il permet cependant de se remémorer de manière distrayante le tumultueux destin d'une femme hors du commun. C'est déjà beaucoup.
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