Réalisé par Raphaël Jacoulot. France. Comédie dramatique. 1h42 (Sortie le 12 août 2015). Avec Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois, Karim Leklou, Carole Franck, Isabelle Sadoyan, Yılmaz Serra, Camille Figuereo et Agathe Dronne.
Avec "Coup de chaud", dans le même registre du drame en vase clos que son précédent opus "Avant l'aube", Raphaël Jacoulot propose une énième variation dramatique de la clochemerlesque chronique villageoise conçue, en l'occurrence, comme le récit d'une mort annoncée.
A l'instar de l'affiche couleur sépia au style vintage de Miles Hyman, ce film, inspiré par un fait divers, s'inscrit dans un cinéma daté, celui des années 1970 à la Yves Boisset, pour décliner, dans une veine naturaliste, une immersion dans la France profonde qui évoque moins la nostalgie d'un monde rural aux valeurs rassurantes que les tensions et animosités qui se manifestent à l'échelon local.
Dans une petite commune rurale de Lot-et-Garonne, la chaleur d'un été caniculaire accable bêtes et cultures et échauffe les esprits préoccupés par leurs soucis personnels. Et puis, il y a Josef, qui a "le diable dans la peau".
Atteint de débilité à la suite d'un manque d'oxygène à la naissance, une débilité débonnaire et affective selon le diagnostic psychiatrique, et par suite de laxisme, défaillance et/ou démission de ses proches comme des institutions et autorités, il n'est ni encadré ni intégré et livré à lui-même.
Et cela commence par sa propre famille, qui le laisse désoeuvré : son père et son frère, indifférents, ne l'associent pas à leur travail de récupération des métaux, sa mère, qui clame sa non-culpabilité, ne veille qu'à la perception de sa "pension".
Débile soit, mais il éprouve néanmoins un besoin de reconnaissance positive, et, à défaut, il provoque une reconnaissance négative : envahissant, voleur, menteur, il se faufile et s'immisce partout, asticote tout le monde et grignote le capital de tolérance de tout à chacun qui s'épuise face à sa dérive comportementale.
A défaut de savoir et pouvoir enrayer ce processus, la tension monte inexorablement quand, travaillé par une libido inassouvie, le trublion devient agressif ce qui nourrit un rejet collectif.
Embrayant sur une pseudo-psychologie sociale, le film traite, de manière réductrice à défaut de réel point de vue extradiégétique autre qu'une stigmatisante bien-pensance à rebours, tous coupables mais non responsables, de la thématique du bouc-émissaire souvent appliquée sur "l'idiot du village" et, en l'espèce, avec la connotation contemporaine de l'exclusion raciste, Josef appartenant à une famille de nomades sédentarisés.
Le scénario de Raphaël Jacoulot comporte néanmoins une double novation dès lors que, en l'espèce, l'émissarisation agit comme catalyseur sur un esprit peut-être plus "simple" et fragile que celui de la victime, conduisant à un meurtre "personnel", en ce qu'il ne constitue pas la matérialisation d'une vindicte collective, et n'assurera pas la fonction de pacte ressoudant la communauté.
De facture classique, le film tient par une distribution adéquate qui permet l'incarnation d'une galerie de portraits de gens ordinaires, "ni bons ni mauvais" selon l'expression consacrée, avec leurs fêlures, leurs frustrations et leurs peurs.
Ainsi, autour du jeune Karim Leklou, parfaitement crédible dans le rôle du "débile", un casting de valeurs sûres, tels Isabelle Sadoyan, Patrick Bonnel et David Ayala, et, en tête d'affiche, un épatant trio : Carole Franck, la véhémente agricultrice acculée à la vente de ses terres, Grégory Gadebois, le menuisier, colosse bonne pâte, et Jean-Pierre Darroussin, dans son emploi récurrent de lymphatique dépressif, en vétérinaire et maire rousseauiste jouant le monsieur bons offices. |