A l'heure où de nombreux festivals mettent la clé sous la porte, un petit village a décidé de résister. Ce village ne se situe pas en Armorique, mais dans le sud des Landes, entre Pau et Mont-de-Marsan. Il s'agit d'Amou et de son festival "Chansons et Mots d'Amou" dont le programme trouve son équilibre entre les belles lettres et la musique.
Cette année, pour sa quatrième édition, le festival explorait tous les continents, d'une part à travers les artistes invités, et d'autre part autour de lectures sur le voyage et l'aventure. Pour rester dans cette thématique, c'est une québécoise, Geneviève Morissette, qui est allée couvrir le festival pour Froggy's Delight.
Amou tire son nom de la langue d'oc, un voyageur qui avait dit que c'était "un amour de village". Il y a quelque chose de particulièrement chaleureux là-bas. Les 1500 habitants et les visiteurs sont friands de découvertes. Sur la place du village, il y a des "stands" où tout le monde mange ensemble. Ça permet que les artistes, les organisateurs et la population se rencontrent et échangent à propos des spectacles. En plus, il y a des cafés musicaux le matin sur la place principale sous les grands marronniers. On a très vite l'impression de se retrouver en famille. Par son ambiance, sa convivialité et sa créativité, "Chansons et Mots d'Amou" m'a fait penser au "Festival en chansons" de Petite-Vallée, au Québec.
Pour les lectures, c'était Marie-Christine Barrault, marraine du festival qui ouvrait "Chansons et Mots d'Amou" avec des textes de Le Clézio et de Blaise Cendrars. Ça a été une belle introduction. Marie-Christine Barrault est une grande actrice, bien connue aussi au Québec puisqu'elle a joué dans "Jésus de Montréal" de Denys Arcand. Je ne la connaissais que comme actrice de cinéma, mais elle a une belle présence sur scène, elle attire la lumière et évolue avec une grande élégance. Son élocution est parfaite. Le public est très attentif. Pour ma part, je m'étonne que cette lecture ai lieu en plein air.
Les deux jours suivants, c'est Stanislas de la Tousche qui a lu des textes de Stevenson et Kerouac, deux auteurs dont l’œuvre m'est plus familière. Il a aussi lu des impressions de voyage d'Alexandre Dumas. Stanislas de la Tousche, c'est un acteur qui a un physique. Il faut le voir sur scène, il emportait vraiment les spectateurs. Il ne se contente pas de lire des récits de voyage, il réussit à emmener le public en voyage. Accompagné d'une "guitare cowboy", sa lecture est sentie et le ton authentique. Il me fait penser à Richard Desjardins dans sa manière de raconter les histoires. Les deux spectacles ont eu lieu en salle, à cause de la pluie. La salle débordait de monde. Ça a été de très beaux moments.
En ce qui concerne la partie musicale du festival, tous les concerts ont eu lieu en plein air dans les arènes de la ville. Même s'il a plu "à sciau" durant la journée de samedi, le temps s'était calmé en soirée.
Arbon est un artiste originaire de la région d'Amou. Il était visiblement content de se produire dans le cadre du festival, même si son concert a été déplacé du samedi à 18h au dimanche midi en raison de la pluie. Les musiciens étaient tous très bons, en particulier le batteur dont les influences donnaient une coloration musique du monde à l'ensemble. Arbon est un chanteur à textes dont les histoires, dans lesquelles pointent une partie certainement autobiographique, dépassent largement le format habituel des chansons pop. Sa vulnérabilité et son enthousiasme presque enfantin ont séduit le public.
Alexandra Hernandez et Jonathan Mathis viennent de Saint-Pierre-et-Miquelon. Leurs deux voix se marient très bien sur des mélodies interprétées à la contrebasse et au ukulele. Ils empruntent au jazz, à la musique expérimentale et à la chanson. Malgré une musique plus cérébrale que viscérale, Alexandra nous emmène vraiment découvrir son île, ce petit morceau de France à l'embouchure du Saint-Laurent, tout près de "che nous".
Gaël Faye, prix Charles Cros des lycéens en 2013, s'est produit en trio avec les deux chanteurs guitaristes Jearian et Samuel Kamanzi. Il slamme en français et dans des langues d'Afrique, comme le swahili et le lingala. Sa musique va chercher autant dans le jazz funky que la rumba congolaise. On trouve aussi une pointe de soul américaine dans la voix de Jearian. Les textes de Gaël Faye parlent de l'exil et de la fraternité. Sa musique est une belle mise en pratique du message qu'il porte dans ses chansons. C'est un conteur plein de poésie et de finesse. Son projet, sous le nom de Legato, doit vraiment être vu sur scène, car les trois musiciens chanteurs communiquent généreusement avec leur public.
Camille et son frère Simon Dalmais donnaient un spectacle en adaptant des textes de leur père, le poète H. Bassam. Accompagnés d'un orchestre, leurs influences s'éloignaient vraiment de ce à quoi Camille ou Simon nous avait habitué, pour se tourner vers les Etats-Unis. Tout le long du concert, je pensais qu'un bon vieux Creedence Clearwater Revival ferait du bien. Essentiellement chanté en anglais par le frère et la sœur, ce projet permet de découvrir l’œuvre de leur père.Très assumée, très libre, Camille est une virtuose, ce qui n'a pas empêché l'émotion. Lors du rappel, elle est même revenue avec son enfant dans les bras pour interpréter le dernier morceau. Le public a quand même regretté que Camille ne chante aucun de ses propres tubes.
Mon coup de cœur est allé à Chloé Lacan, que j'avais déjà rencontrée à Granby. Elle a "tout déchiré", comme vous dites icite. Elle est folle, se permet tout sur scène. Elle joue de l'accordéon, mais n'hésite pas à se mettre à la batterie. Ses musiciens peuvent interpréter un numéro de claquettes, ou, elle, se mettre à pousser des cris stridents. Quand on écoute du Chloé Lacan, on ne peut pas la cantonner à un style, elle fait du Chloé Lacan. Elle parvient à mélanger les genres dans une recette dont elle seule a le secret. Très à l'aise sur scène, ses interventions sont théâtrales et drôles. Le public en redemande. En rappel, elle est descendue dans les arènes au milieu des spectateurs et a chanté en accompagnant le public jusqu'à la sortie des arènes. "Dé-ménage à trois" est un spectacle qui rend heureux, qui "fout la patate", donne envie de croire que tout est possible, et de crier "AMMMOOOUUU !!!". |