Il est pour moi l’heureux papa des petits bonheurs et des extases quotidiennes, suspendues entre deux moments moins doux. Auteur de plusieurs recueils, Philippe Delerm ouvre son coffre à trésors avant la rentrée Les eaux troubles du mojito (et autres belles raisons d’habiter sur terre). Et franchement, je tire mon chapeau de paille et m’incline bien bas devant ces petits bouts d’instants magiques.
Les Schtroumpfs grincheux n’y verront qu’un massacre de la forêt pour imprimer des trucs sans hiérarchie. Peu importe, puisque nous sommes les autres, n’est-ce pas ? Certes, nous ne savons pas nous émerveiller de tout, tout le temps, mais voilà un bouquin qui nous aidera à y remédier immédiatement.
Philippe Delerm n’est pas qu’un observateur bienveillant, il sait s’attendrir d’un brin de truc qui virevolte ici ou là, et il est surtout un formidable conteur. Sans rime ni fioriture, ses textes sont cimentés d’une poésie enchantée. Sans autorité, sans en faire des caisses, sans condescendance, il nous montre simplement la direction que nous pourrions prendre.
Une plongée dans la boîte à bidule, un instantané entre deux virgules aquatiques, une façon de nous dire que la vie est bien jolie finalement, dans ses inattendus et ses douces saveurs. Du "mensonge de la pastèque", fruit constitué d’eau et de rien du tout… le goût des matins de Noël surgit du fond d’un vieux carton de Tintin… les contre-jours du jardin du Luxembourg où le temps s’arrête le temps d’une pétanque… la pause des vacanciers qui suivent des yeux l’avion publicitaire "Poulet du Gers en promo chez tartruc"… les aires de pique-nique bondées qui marquent le premier moment des vacances…
Entre la douce philosophie d’une madeleine de Proust et la candeur d’un enfant pas si grand, Philippe Delerm est un chic raconteur de petits bouts de trucs qui font du bien et qui ne font pas de mal. Nul regret ni amertume ne viennent se mêler de ces pages, qui sont à la fois une douce parenthèse et une pédagogie de la sagesse qui s’empare de nous au fil des ans. Et c’est chouette de sa part de nous faire partager tout ça.
A moi : les poissons qui me frôlent quand je mets les pieds dans l’eau vive… le ballet des araignées d’eau à l’ombre des rayons… le sourire complice des clients qui tendent les bras pour m’aider à attraper les denrées chocolatées hors d’atteinte… le conciliabule amusé avec des inconnus devant la barrière de chemin de fer mystérieusement fermée… ces clochettes qui me transportent dans mon berceau… et chaton qui me choisit comme coussin pour la nuit… A vous…
Des goûts, des odeurs, des regards, des frémissements et des frôlements, Philippe Delerm a un don pour enchanter le quotidien et donner un air de fête à de simples moments, qu’ils soient fugaces ou hors du temps.
Oh comme c’est chouette. A fredonner avant la rentrée, et après. A déguster entre deux bouchées. A dévorer avec une lampe de poche après le coucher. A voler dans une allée. A emmener partout et à lire dans tous les sens. |