Avec 5 scènes et plus de 60 concerts, il faut faire un choix ! Je pris un billet pour le vendredi 28 août, car la programmation avait réuni ce jour là, dans l’ordre de passage, tous mes chouchous : à 15h30 Thomas de Pourquery pour VKNG, à 17h05 Jeanne Added et enfin à 20h55 Nathalie Réaux avec Miossec.
Après la pluie diluvienne de la veille, l’inquiétude concernant la météo ne se leva qu’en début d’après-midi. Le soleil revenait sur Paris. Le métro qui me menait jusqu’à Saint-Cloud transportait déjà de jeunes et jolis minois aux ripes longues et aux bracelets fluorescents, comme autant de trophées de festivals passés, conservés jusqu’au bout de l’été pour emporter le plus loin possible des souvenirs de musique et de rencontres. Nul doute : j’étais sur la bonne voie, il ne me restait plus qu’à suivre le flot, déjà continu, qui se dirigeait vers la terre (ou la gadoue) promise. Passé le pont qui enjambe la Seine, où des péniches amarrées sagement contrastent avec la folie musicale qui nous attend, on aperçoit les scènes érigées au cœur d’un ensemble boisé. Arrivée parmi les premiers, je me colle aux barrières de la Scène de l’Industrie : je n’en bougerai plus, mes 3 concerts sont programmés ici.
VKNG
Quand les VKNG (vikings) débarquent, le public est très disparate et clairsemé. Le ciel, encore chargé de nuages noirs, tente de semer le doute. C’est sans compter sur la puissance hérétique de ces garçons : Maxime Delpierre à la guitare, Thomas de Pourquery au chant-sax-synthés, Guillaume Rossel à la batterie et Louis Sommer à la basse et synthés. Au bout de 12 minutes, le parterre est noir de monde. Le chant des VKNG a attiré des vagues et des vagues de festivaliers qui bougent et ondulent sur les riffs du guitariste. Le premier son raisonne et ressemble à un radar, ou au signal extra-terrestre d’un drakkar de l’espace. Il finit par servir la voix de Thomas de Pourquery, "Take your time, take it easy…" nous dit-il, oscillant entre les graves et les aigus avec l’aisance d’un cétacé dans l’océan des octaves, tantôt requin, tantôt dauphin.
"Girls don’t cry, ‘cause boys, we don’t lie… Bonsoir Rock en Seine ! We love you !"
La rythmique nous emporte sur des crêtes pop-disco-soul. Quelle voix, mais quelle voix incroyable ! Nous connaissions Thomas de Pourquery auréolé de la victoire Album Jazz 2014, le voici en 2015, avec un groupe qui enflamme le dancefloor, comme le faisaient certains DJ californiens dans les années 70 ou 80, sur des plages de sable chaud. Il chante, danse, court sur scène, allonge ses grands bras comme pour soulever les foules ou pour mieux les embrasser. Ici, la plage c’est l’herbe de Saint-Cloud, mais plus personne ne s’en rend compte, nous sommes tous debout, conquis, prêts à l’abordage, pour une fête sans fin. Les sons et textes, sucrés-salés, sont un savant mélange qui rend très vite addict. Allez les goûter et les écouter sur scène… ces garçons là, ils sont terribles !
Ne loupez pas la sortie de leur premier album Illumination le 2 octobre 2015 !!!
JEANNE ADDED
À peine le temps de revenir de cette exploration runique que s’installe déjà sur scène le plateau de Jeanne Added. Les "balances" se font "en live" et c’est un backstage, auquel le public n’a généralement pas accès, qu’il nous est permis d’observer en toute intimité : mise au point des micros et des instruments… tout n’est pas que magie !
Ce ne doit pas être simple, pour tous ces jeunes (ou moins jeunes) artistes de venir ouvrir le bal, quand le soleil est encore au zénith et vient frapper la scène presque plus fort que les jeux de lumières sensés habiller la musique ! Le décor n’a rien d’intimiste et il faut envoyer du lourd pour aller chercher le public qui erre de scène en scène, le captiver, oser le regarder les yeux dans les yeux et le garder avec soi jusqu’à la fin du set. Avouons que la chose est rendue plus facile quand la nuit est tombée (et quelques bières plus tard). Les sons prennent définitivement une résonance que la retenue vient contenir davantage en plein jour.
Pourtant, quand Jeanne prend la scène, avec Narumi Hérisson Dupont aux claviers et Emiliano Turi (venu remplacer Anne Pacéo habituellement à la batterie), Be Sensational attrape tous les cœurs présents alentours. Tout comme Thomas de Pourquery, Jeanne Added n’a rien à prouver au monde artistique. Ils ont tous deux un passé de musiciens reconnus et admirés dans le monde du jazz. Et comme Thomas, c’est sur un "autre" terrain que Jeanne vient à la rencontre d’un "autre" public, déjà nombreux à la suivre depuis le début de sa tournée. La communion que créent ces deux là entre nous tous est immédiate et dès les premiers morceaux, on entend chanter dans la fosse...
Les yeux levés vers le ciel, les mains jointes en prière sur son micro, la belle nous offre un "Look at Them" renversant d’émotions, sa voix s’envole et nous survole, puis comme une pluie rafraîchissante nous inonde de bonheur (pour ma part, à un tel point, que j’ai juste envie de grimper sur tous les arbres qui entourent la scène de l’industrie ! voilà, ça c’est dit !). Le regard bleu océan sait se faire noir, sur "A War is Coming," l’instant d’après et la foule venue répondre à l’appel au combat est maintenant massive et enthousiaste.
Le set se conclura avec un beau cadeau : la présence surprise de Marielle Chatain sur scène (clavier et chœurs du groupe The DØ) pour un duo très touchant sur le titre "Suddenly".
MIOSSEC
Quand Christophe Miossec et sa Team arrivent sur scène, il est presque 21 heures, on réalise alors que l’été s’en est allé. La nuit a déjà gagné sur le jour. Ce qu’on ne réalise pas de suite (parce qu’à hauteur des enceintes), c’est que les musiciens, plus haut que nous, prennent en pleine face la sono du groupe punk américain Offspring, programmé au même moment sur la Grande scène, dans le même axe.
L’album Ici bas, ici même, petit bijou de composition, s’épanouit et prend toute son ampleur en live. La musique du violoncelle de Valentine Duteil, les tambour Chamanique, claviers et chœurs de Nathalie Réaux, le jeu de contrebasse et basse d’Hugo Cechosz et bien sûr la voix (parfois murmurée) de Christophe Miossec habillent l’espace de manière subtile, tout en nuances, quel que soit le titre interprété.
Ce soir Christophe Miossec, après en avoir plaisanté au micro : "Achetez leur des skateboards !", n’a pas le choix, il lui faudra passer en force, se fier à son instinct, ne pouvant pas compter sur des "retours son" inaudibles parce que couverts par la Grande Scène.
Le show commence et les voilà partis tous les six À l’attaque ! avec le courage du matelot qui suit son capitaine contre vents et marées, tenant bon la barre, sans jamais l’idée d’abandonner le navire.
Le public ne s’est aperçu de rien, reprenant les paroles de presque tous les titres, tapant dans les mains, le regard plein d’admiration et d’amour inconditionnel pour ce grand Monsieur de la chanson française. Nul doute que bien des fans s’étaient donnés rendez-vous pour cet avant-dernier concert d’une tournée débutée il y a plus d’un an à la Cigale, mais parmi eux de jeunes frimousses témoignaient du large public conquis par cet artiste et sa troupe de musiciens hors pair.
ATTENTION : Dernier concert de la tournée à Ouessant, en Bretagne, le 12 septembre 2015 !
Et voilà comment s’est fini mon joli Rock en Seine…
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