Shadows, Songs of Nat King Cole
(Sony / Okeh) août 2015
"If I see an undesirable person in the neighborhood, I'll be the first to complain…"
La rencontre entre le chanteur Britannique aux multiples vies (du rock au blues avec The Hoax en passant par le jazz avec Eric Legnini) à la voix de baryton et Nathaniel Adams Coles, alias Nat King Cole, pianiste et chanteur légendaire était une évidence tellement l’univers folk, soul ou blues d’Hugh Coltman est proche de celle du crooner américain. Il faut aussi dire que la musique de Nat King Cole était présente chez lui pendant sa jeunesse, grâce à sa mère, qui l’écoutait souvent et qui lui a transmis la passion pour ce genre de musique.
Nat King Cole est parmi les instigateurs du trio piano-guitare-contrebasse, ensemble qu’il arrivait à faire swinguer même avec l’absence de batterie, et l’un des pères du cool jazz, une vision californienne de cette musique, plus soft, détendue, éloignée de la version toute en tension et en rapidité de New York et que l’on retrouvera plus tard chez Art Tatum, Oscar Peterson…
Nat King Cole était un chanteur hors pair, un véritable crooner. C’était la classe, une certaine idée de l’élégance, un timbre de voix, un sens du rythme, tout ce que l’on retrouve dans ce disque hommage au maître. Entouré d’excellents musiciens, Eric Legnini aux claviers (pianos, Wurlitzer, Fender Rhodes et Farfisa), le saxophoniste Pierrick Pédron, le guitariste Misja Fitzgerald Michel, Hugh Coltman la joue tout en sobriété, tout en velours et en rondeur… Un choix esthétique mûrement réfléchi puisqu’il décide de révéler, d’exprimer les ombres qui se cachent chez Cole. Ce choix découle d’une interrogation : comment Nat King Cole a-t-il pu connaître un succès aussi phénoménal, être l’un des premiers afro-américains à animer une émission à la télé, à vendre des millions de disques alors même que sévissait la ségrégation et où les artistes noirs vivaient dans la précarité et la marginalité ?
Faut-il rappeler également que Cole a été victime de nombreux actes racistes ? Notamment en 1948, il est alors l'un des premiers Noirs à s'installer à Hancock Park, quartier très huppé de Los Angeles. Le Ku Klux Klan, encore très actif en Californie à cette époque, plante une croix en feu dans son jardin. Suite à cet incident honteux, l'association des propriétaires de Hancock Park déclare qu'elle ne souhaite pas de personnes indésirables dans le quartier. "Moi non plus", répond le musicien. "Et si je vois une personne indésirable dans le quartier, je serai le premier à m'en plaindre". Pire encore, il est agressé sur scène par trois membres du North Alabama Citizens Council lors d'un concert dans l'Alabama en 1956. C'est le dernier concert qu'il donnera dans le Sud des Etats-Unis. Le répertoire de Nat King Cole est donc loin d’être lisse et cache nombre de fêlures transcrites ici avec un certain chic par le chanteur Anglais.
Encré dans le blues, plein d’émotion, magnifiquement interprété, enregistré live quelque part dans l'esprit de "Where did you go ?", ce disque est une véritable réussite. Il suffit d’écouter des titres comme "Are You Disenchanted", "Smile", "The Shadows", "Pretend", "Annabelle" ou "Nature Boy" pour s’en rendre compte. Shadows offre une belle opportunité d’appréhender autrement la musique de Nat King Cole, il serait dommage de la louper…
Avec la mort de Lynch, c'est un pan entier de la pop culture qui disparait, comme ça, sans crier gare. Il reste de toute façon sa discographie qui n'a pas attendu sa mort pour être essentielle. Pour le reste, voici le sommaire. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !