Pièces courtes de Nicolas Doutey, mise en scène de Rodolphe Congé, avec Pauline Belle, Rodolphe Congé, Laëtitia Spigarelli et Gaëtan Vourc’he.
Difficile d'entrer dans l'univers en train de se construire d'un jeune auteur, qui plus est avec des pièces très courtes.
Est-il déjà porteur de toutes ses potentialités, a-t-il en lui toute la plénitude des thématiques qui traverseront son œuvre si celle-ci prend vraiment forme ? Ne reniera-t-il pas un jour ses écrits actuels qu'il considèrera peut-être plus tard comme pas assez aboutis?
C'est dans l'interrogation, presque dans le pari qu'on fait face au travail de Nicolas Doutey.
Au crédit de cet admirateur de Samuel Beckett, on mettra tout de suite une langue française belle et précise. Distillant quelquefois des expressions populaires, elle sait être claire et ne manie jamais le paradoxe, ce qui facilite l'écoute d'un texte qui contient de nombreuses références philosophiques.
Dans chacune des deux pièces,"L'Incroyable Matin" et "Jour", Rodolphe Congé met en scène trois acteurs dont lui-même. Les trios sont bien assortis et se tirent avec aisance des questionnements de leurs personnages.
Aucun ne laisse transparaître de difficultés à interpréter des phrases très simples qui obliquent souvent vers le nons-sens et l'absurde. Aucun n'a l'air de contredire la logique de Nicolas Doutey, alors qu'elle paraît souvent à géométrie variable et susceptible d'évoluer au gré des mots prononcés.
Dans un monde où l'on peut passer par la fenêtre et rentrer plus tard par la porte, où l'on cherche sans cesse le bon endroit pour ne pas vivre en déséquilibre dans une position peu confortable, il est préférable que les acteurs aient en eux le bon argumentaire pour se comprendre les uns les autres.
Tout ici est dans le texte, rien que dans le texte et les comédiens ne se déplacent que pour cuire des nouilles ou s'évanouir de scène. Le corps posé, statique, c'est un travail d'expression du visage ou de gestuelle minimaliste des bras et des mains que fournissent Pauline Belle, Rodolphe Congé, Laëtitia Spigarelli et Gaëtan Vourc'h. Leurs voix sont chaleureuses, un peu chantantes et jamais dans la colère et l'irritation pour porter le texte de Nicolas Doutey.
La scénographie de Laura Bazalgette renforce ce sentiment de sérénité. Sur une scène vide, lumineuse, encadrée par une belle structure en bois avec des ouvertures frontales censées être des fenêtres, on sent les comédiens en harmonie avec la parole de leur auteur.
Egalement harmonieux est le passage d'un texte à l'autre et l'on est au bout du compte sous le charme de ce fugace moment que l'on espère préparatoire à des propositions plus amples mais tout aussi personnelles. |