Réalisé par Lydia B. Smith. Eats Unis/Espagne. Documentaire. 1h24 (Sortie le 7 octobre 2015).
Il y a quelques mois, sortait un film intitulé "Sur le chemin de Compostelle". Réalisé par Freddy Mouchard, il suivait la route de Compostelle depuis la France ou la Suisse et ponctuait ses images de voix off de pèlerins.
Toujours en salles, il a connu et connaît encore grand succès sans pourtant bénéficier d'une réputation critique ni d'un gros budget publicitaire.
On souhaite vivement le même destin à un autre film sur Compostelle, "Les Chemins de Compostelle" de Lydia B. Smith. D'autant qu'en termes cinématographiques, il est objectivement bien meilleur. Car Lydia B. Smith a choisi un angle d'attaque plus fort et plus intéressant que Fredy Mouchard : elle filme des pèlerins. Non seulement, elle les filme mais les suit du début de leur "épopée" jusqu'à leur délivrance à Compostelle.
Contrairement à Freddy Mouchard, elle ne démarre pas son film à Paris ou à Lausanne, mais à Saint-Jean Pied de Port, là où débute le "camino frances", le chemin officiel long de 800 kilomètres qui mène à Saint-Jacques de Compostelle.
L'avantage de Lydia, c'est de ne pas faire une suite de belles photos touristiques, de la cathédrale de Chartres au pont de Cahors, en passant par le col de Roncevaux. Non, dans "Les Chemins de Compostelle", le tourisme et les villes sont quasiment absents.
Ce qui compte ce sont les routes, les chaussures, les ampoules, la pluie, le froid, l'envie, le renoncement, les rires et les pleurs, la solitude et la fraternité, les extrêmes tensions et les doux relâchements. Bref, la vie au jour le jour d'un marcheur avec ses hauts et ses bas, son pourquoi et ses comments.
Lydia a choisi six pèlerins, tous différents et tous semblables, ayant la même quête mais pas les mêmes raisons de la mener. Elle sait remarquablement tous les saisir, les rendre complexes, les faire parler, ne pas les juger et ne jamais montrer si elle a eu ou non des préférés ou des préférences.
Son film, magnifiquement photographié par Pedro Valenzuela, donne envie - au moins pendant sa durée - d'imiter tous ces insensés que l'on finit par trouver raisonnables. On est saisi par la beauté des paysages espagnols qui, aux éoliennes près, semblent inchangés depuis mille ans. On est aussi saisi par l'ambiance de cette longue marche et par la diversité du troupeau qui y participe.
Dans son film, à la différence de celui de Freddy Mouchard, Lydia B Smith sait aussi être terre à terre : grâce à elle, on comprend comment "ça marche". A chaque étape, les pèlerins font tamponner leurs passeports et peuvent dîner et dormir dans des auberges diverses et variées.
On suppose qu'ils ont tous réglé avant de partir et qu'on est ici devant la forme la plus aboutie du "tourisme culturel (ou cultuel)" de masse. En voyant leurs assiettes pleines de choses succulentes et roboratives, on se dit aussi que ce "camino" n'est pas que pavé de pierres et de ronces...
Au bout du voyage plaisant que "Les Chemins de Compostelle" de Lydia B Smith propose, on sera presque devenu des amis des six pèlerins filmés et on se souviendra d'autres rencontrés au détour de plusieurs étapes, comme cette truculente et mystérieuse coréenne.
On se posera certainement tous aussi la question obligatoire : "irai-je ou pas... un jour ?" En tout cas, à l'issue de ce film aussi beau qu'un "Connaissance du monde" d'antan, on aura eu l'impression d'avoir usé une paire de bons souliers pendant une heure et demie. |