Réalisé par Philippe Faucon. France. Drame. 1h19 (Sortie le 7 octobre 2015). Avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Noah Aïche, Chawki Amar, Mehdi Senoussi, Franck Andrieux et Yolanda Mpele.
Cela fait vingt-cinq ans que, sans bruit, sans polémique malgré les sujets qu'il sait choisir et traiter, Philippe Faucon construit une œuvre cohérente qui raconte la France populaire et émigrée.
Après "La Désintégration" , en 2012, qui racontait comment un jeune de banlieue pouvait réponde aux sirènes islamistes, il continue son exploration de sa France des banlieues.
Cette fois-ci, il met l'accent sur une "mère courage" arabe, Fatima, qui a élevé seule ses deux filles, Nesrine, 18 ans, et Souad, 15 ans. Faucon saisit cette petite famille unie à un moment clé : celui où l'aînée va devoir partir faire des études de médecine.
Femme de peine et de ménage, Fatima additionne, au prix de sa santé, les petits boulots pour que le rêve de sa fille s'accomplisse. Déjouant les embûches sociales et sociologiques, Fatima ne se plaint jamais, affronte l'âge ingrat de sa seconde fille et tente de mettre la première sur les rails de la réussite.
Le cinéma de Philippe Faucon a longtemps eu deux influences, Robert Bresson et Maurice Pialat. Aujourd'hui, on peut dire qu'il s'en est affranchi pour en tirer sa propre synthèse.
Cinéaste de l'intime, il aime particulièrement mettre face-à-face deux personnages pour leur permettre d'exprimer sans pathos des confidences qui les éclairent. Chez lui, la dispute ne s'achève jamais dans l'excès. Comme son autre maître, Jean Renoir, il pense - à juste titre - que "chacun a ses raisons" et cet apôtre de la bienveillance déteste le manichéisme.
On évitera donc d'être sectaire à sa place, mais "Fatima" est une réponse raisonnée à certains films anti-musulmans, camouflés comme il se doit en films anti-islamistes dont le faux-film turc, "Mustang" qui représentera la France aux Oscars est l'exemple criant.
Dans "Fatima" de Philippe Faucon, tout est construit sur du vrai ou du probable pas sur une vision préconçue des musulmans. Dans la dernière partie de ce film qui préfère 80 minutes denses et justes à une durée verbeuse alignant les poncifs, Philippe Faucon surprendra ceux qui n'aiment pas sa modestie et font toujours la fine bouche devant son refus de théoriser.
Car Fatima qui se croyait illettrée pare qu'elle ne savait ni lire ni écrire le français fait sien le verbe arabe. Avec la retenue qui le caractérise, Faucon lance une énorme gifle aux bobos qui se pâment devant "Mustang" ou défilent pour Charlie. Il dit calmement leur fait à ceux qui, bien calés derrière le prisme de l'anti-racisme, ont des préjugés tenaces et viscéraux contre les classes populaires.
"Fatima" de Philippe Faucon est un film salutaire. Puisse-t-il ouvrir quelques yeux et quelques cœurs. |