Salle Moebius du Beffroi
(Montrouge) samedi 10 octobre 2015
Dans la très jolie salle Moebius du Beffroi de Montrouge, Jean-Louis Murat proposait la version deux du Babel tour, la version initiale était avec The Delano Orchestra avec lequel - ça tombe bien - il avait justement enregistré Babel, et dont le Live aux [PIAS] Nites en est un témoignage. Comment allait-il réussir à rhabiller ses chansons sans le Delano, c’est-à-dire sans cuivres ni cordes et sans la "insérez ici un adjectif qualificatif mélioratif" Morgane Imbeaud ? A-t-il réussi ? Etait-il de bonne humeur ? La bière était-elle bonne ? Qu’est-ce qu’au fond du cœur ? Est-ce que la salle était bien chauffée ? Vais-je répondre aux questions que je pose dans l’introduction ? Vous le saurez en lisant le live report qui suit.
C’est une salle quasi pleine, pleine donc, qui attendait Murat et Matt Low qui était chargé d’ouvrir la soirée. Même s’il débute dans la carrière de chanteur, ce clermontois n’est pas un inconnu : d’abord, c’est un membre du Delano Orchestra et de plus, l’auteur de ses chansons n’est autre que Murat lui-même. Si son EP manque parfois un peu d’énergie, la transposition sur scène est des plus réussies, toujours cette voix grave, posée, envoûtante dans une configuration guitare, basse, batterie puis rejoint par Guillaume Bongiraud du Delano aussi, au violoncelle, il livre un set prometteur, plein de charme notamment lors d’un "Hendaye", une nouvelle chanson jouée pour la première fois nous dit-il, où simplement accompagné du violoncelle et de sa guitare, sa voix fait des merveilles. Dans une ambiance certes plutôt feutrée mais plus audacieuse, il conclura par un "Racine" qui laisse entrevoir le potentiel de ces compositions rock mélancolique futures. A suivre donc.
Le temps d'un changement de plateau et Jean-Louis Murat arrive, souriant, accompagné de Gael Rakotondrabe aux claviers, Chris Thomas à basse et du fidèle Stéphane Reynaud à la batterie. Débonnaire comme à son habitude, Jean-Louis lance un vague "bonsoir" et c’est parti…
Trois, quatre : "J’ai fréquenté la beauté", hop évacué, ça c’est fait, on n'en parle plus. Le public sait à quoi s’attendre alors que certains font des concerts best of, et que Murat pourrait très bien le faire, avec par exemple "L’Au-delà", "Le Lien Défait", "Fort Alamo", "Jim", "Le cri du papillon", "Tout est dit", "Les Jours du jaguar", etc. Mais non, le fan service de Murat, c’est de faire des chansons inédites, d’évacuer - parfois même saboter - les singles et de bousculer les autres chansons. Donc dès le deuxième morceau, un inédit : "Chercher la femme". Il y aura cinq inédits dans la soirée qui, comme le dirait Murat lui-même, seront peut-être ou pas dans le prochain album.
L’ambiance générale est plutôt douce, calme parfois planante, il est loin le temps du Murat rock à grosse guitare, désormais c’est plus jazzy (je sais, ça ne veut rien dire), porté par les volutes de piano de Gael et la basse ronde de Chris, le traitement des chansons est parfois minimaliste mais sans jamais manquer d’énergie, et d’inventivité. Il faut dire que la voix de Jean-Louis y est pour beaucoup, même s’il était grippé comme il nous l’avouera plus tard, la voix est toujours aussi juste, un parfait instrument qu’il maîtrise et dont il joue à la perfection sur "Les Ronces" notamment, nous convainquant que malheureusement, tout est mélancolie que l’on soit dans la "Vallée des merveilles" ou non. A de rares exemptions près, l’absence de cordes et de cuivres ne se fait pas sentir, quand on connaît les chansons évidemment parfois cela manque un peu, mais que ce soit "Neige et Pluie au Sancy" ou "Col de Diane", on découvre avec plaisir ces nouvelles versions, plus envolées presque plus fluides parfois.
C’est vraiment sur les inédits que le groupe donne à voir ce dont il est capable, ou peut-être parce que nos oreilles sont moins polluées par les versions précédentes, vu qu’il n’y en a pas. Si "Cherchez la femme" était toute douceur, "Le Grand Vivier de l’Amour" est plus pêchu, évidemment ce n’est pas forcément facile de comprendre les textes, et de saisir toutes les subtilités par exemple un moment j’ai compris "se souvient de Bernard Debré", mais je me demande bien ce qu’il ferait dans le grand vivier de l’amour. "Heureuse la brute", puis "Le Chien de Californie" viendront s’ajouter aux inédits du soir, ce chien ressemble presque à une chanson que Joe Dassin aurai pu écrire pour France Gall, c’est un compliment, "quel malheur pour des parents d’avoir mis dans leur lit ce chien de Californie", Chris et Stéphane rajouteront quelques chœurs, rendant le tout encore plus léger. Chris d’ailleurs donnera à plusieurs reprises de la voix, remplacer une petite blonde par un grand black il fallait oser, rajoutant de légers râles rendant les chansons encore plus planantes. Dernier inédit de la soirée "Face Camera" (ou j’ai le cafard peut-être, ce sont des inédits donc je peux choisir le titre que je préfère), parfaite chanson en forme de road movie, où JJ Cale n’est pas loin, dont il serait vraiment dommage qu’elle ne figure pas sur un album, comme un voyage entre la Haute Savoie et la Bretagne.
Viendra "Qu’est-ce qu’au fond du cœur", merci bonsoir. Pour les rappels, nous aurons droit à une formidable version de "Tout m’attire", dans la grande tradition de crooneur siffleur de Jean-Louis Murat comme il pouvait le faire sur "Oiseaux de Paradis" par exemple ou comme il l’avait fait plus tôt sur "Long John", tout en douceur, principalement soutenu par les claviers aériens de Gaël, avant de conclure par un "Mujade ribe", un peu bâclé il faut l’avouer, donc n’en parlons pas, ce serait dommage de gâcher la soirée et de rester sur ce petit mauvais souvenir.
Outre le fait de nous faire découvrir une jolie salle au son parfait (et avec une superbe fresque de Moebius, d’où son nom sans nul doute) au-delà du périphérique mais heureusement accessible en métro (la quatre), cette soirée nous aura fait également découvrir de nouvelles chansons prometteuses, et surtout nous prouver une fois de plus que les chansons de Murat qu’importe leur accompagnement, leurs vêtements sont de grandes chansons. Habillées de corde, ou d’un rien elles conservent toujours leur pouvoir d’aller droit au cœur, surtout quand elles sont, comme ce fut le cas ici maîtrisées et quand les musiciens accompagnant Murat réussissent à y apporter leur touche personnelle, Gael Rakotondrabe, Chris Thomas venant tous deux d'un univers plus jazz que rock ont réussi à faire leur les compositions de l’auvergnat sans se défaire ce qui fait leur style, et ce mariage est un vrai bonheur et une réussite.
PS : et pour la question sur la bière, en fait il n’y avait pas de bar, donc pas de bière.
Setlist : "J’ai fréquenté la beauté" / "Chercher la femme" (Inédit) / "Les Ronces" / "Vallée des merveilles" / "Chagrin Violette" / "Le Grand Vivier de l’amour" (Inédit) / "Neige et pluie au Sancy" / "Col de Diane" / "Heureuse la brute" (Inédit) / "Le Chien De Californie" (Inédit) / "Frelon d’Asie" / "Long John" / "Face Camera" (Inédit) / "Qu’est-ce qu’au fond du cœur". Rappels : "Tout m’attire" / "Mujade ribe"
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