Réalisé par Rolla Selbak. Etats Unis. Drame. 1h40 (Sortie le 28 octobre 2015). Avec Sheetal Sheth, Angela Zahra, Mercedes Masöhn, Madline Tabar, Erick Avari et Garen Boyajian.
S'il était tourné par une américaine pur jus et des acteurs au teint halé par le soleil californien, ce film paraîtrait pour beaucoup de spectateurs comme une œuvre de divertissement répondant aux canons du "soap opera".
Mais, si on regarde "Trois voiles" de Rolla Selbak avec un peu plus d'attention, on va s'apercevoir que, derrière sa forme très convenue, il y a des choses peu banales dans ce film.
A commencer par un dialogue où certains personnages parlent un anglais bizarrement accentué, alors que d'autres le parsèment de mots arabes ou persans. Cette histoire, racontée trois fois sous les points de vue complémentaires de ses trois héroïnes, constitue en effet l'un des premiers films "arabo-hollywoodiens".
Alors qu'on est habitué à franchir le seuil d'un certain nombre de communautés ethniques ou religieuses qui s'additionnent aux États-Unis, c'est la première fois que l'on va ne voir vivre que des ressortissants d'origine moyen-orientale.
La force paradoxale de ce "Sex and the City" à la sauce arabe, c'est de pouvoir traiter de manière frontale, et sans soucis de pur réalisme, les problèmes qui se posent à des jeunes femmes de ces communautés alors même qu'elles sont riches, éduquées et ont assimilé les valeurs américaines.
Les trois héroïnes, Leila, Amira et Nikki, ont chacune une histoire douloureuse dont on va suivre tout ou partie dans "Trois voiles". La belle Leila est sur le papier la plus "américaine". Beauté de magazine, elle pourrait épouser n'importe quel Américain de la haute bourgeoisie.
Le hic, c'est que sa mère reste attachée à la tradition et qu'elle veut que le prince charmant de sa fille s'appelle Ali. On découvrira vite dans "Trois voiles" de Rolla Selbak l'envers de ce conte des mille et une nuits et ce qu'il advient des mélanges des genres, même dans une famille arabe huppée.
Nikki, elle, paraît la plus intégrée dans ce coin de l'Amérique le plus libérée : elle est sexy, sans tabou et promise à des gueules de bois à répétition. Encore une fois, c'est après que le puzzle des trois récits sera reconstitué que l'on découvrira le pot aux roses et la part maudite qui se cache derrière son exubérance.
Quant à Amira, au physique plus ingrat, elle est aussi celle qui porte en permanence le voile et sans doute le secret le plus lourd pour des sociétés dans lesquelles la femme ne peut pas choisir sa sexualité...
Habilement construit, "Trois voiles" de Rolla Selbak se suit sans aucune déplaisir. Les trois comédiennes sont excellentes et aucun des personnages, sauf peut-être Ali le fiancé "islamo-macho", n'est caricatural.
Au contraire, la réalisatrice sait faire vivre autour de son trio une bonne dizaine de personnages bien dessinés. Chaque famille est crédible et, grâce à "Trois voiles", on saura désormais qu'il existe des "arabo-américains", dont les voix pourraient un jour compter pour faire évoluer la perception américaine concernant les conflits du Moyen-Orient.
Mais ceci est une autre histoire... Pour l'instant, il faut découvrir "Trois voiles" de Rolla Selbak qui est bien mieux qu'une curiosité cinématographique. |