Le concert de Low était tout en nuances, sans moments vides, ni répétitions. Impressionné, je l’ai été par la remarquable connivence entre les trois musiciens : Alan Sparhawk au chant et à la guitare, Steve Garrington à la basse, Mimi Parker à la batterie – ces deux derniers chantant aussi, quasi à l’unisson de Sparhawk, comme si finalement une seule voix se déclinait en plusieurs variations subtiles. Et quelles harmonies vocales ! On aurait dit une symphonie noire, ample, portée avec une certaine sobriété par les trois musiciens.
Le groupe a beaucoup évolué depuis le premier et formidable premier album sorti il y a une vingtaine d’années, I Could Live In Hope. Cette année est sorti un des sommets de cette œuvre cohérente : Ones and Sixes. Cette musique minimale et intimiste qui au début empruntait à Joy Division sa gravité et sa lenteur, en forçant le trait (le parti pris était d’exagérer le ralenti), atteint aujourd’hui une démarche très personnelle. On retrouve d’ailleurs sur scène quelque chose de l’ordre de la communion religieuse – je ne crois pas que cela ait un rapport direct avec l’engagement religieux du couple Sparhawk / Parker.
Dans cette musique à la fois âpre et lumineuse, il y a une douleur difficilement contenue, une douleur et aussi peut-être une dépression. Sparhawk donne quelques clés dans un entretien récent : "Mon père est mort il y a à peu près un an. Beaucoup de questions ont alors surgi : celle de la détérioration inéluctable des corps et des âmes ; la question, tout simplement, du sens de l’existence. (…) Les choses se gravent en toi, tu réalises avec l’âge que ce que tu es ne changera pas, le portrait ne fait que se préciser".
Ce qui peut expliquer cette mélancolie de fond, d’une grande beauté, avec ses quelques accents de colères, traduits par des progressions électriques dont on aurait aimé qu’elles fussent prolongées. En effet, on trouve çà et là quelques retenues, regrettables, qui font que certains titres ont un goût d’inachevé.
Mais ce n’est pas grave : bien qu’intermittente, la lumière est bien là, et aussi l’émotion, que l’on perçoit dans la voix de Mimi Parker – une émotion qui se transmet de proche en proche pour nous toucher au cœur.
Le groupe australien du chanteur Mike Noga a joué en première partie un rock alternatif, assez brut. Noga a fait partie d’un groupe australien important, The Drones : je ne sais pas dans quelles conditions il a quitté ce groupe mais on peut supposer que c’est pour mettre en avant sa belle voix grave, et son charisme. On regrette seulement que ces chansons, plutôt inégales, n’aient pas conservé la force de frappe des Drones. On a en fait du mal à suivre Noga, à suivre les traces de ses mélodies instables. Cela dit, le propos est honnête et même sympathique (ce qui n’est absolument pas un argument). Il faudra laisser à ces chansons le temps de trouver un point d’ancrage, une construction, et une maturité. Ce n’est pas impossible : je n’oublie pas que l’Australie est la patrie de certains groupes, qui sont les plus beaux du monde.
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