Dans la famille nouvelle chanson française, je demande…Hymne de Chet ! Oui, encore que Chet n'est pas si nouveau que ça puisqu'il s'agit de son 3ème album.
Et puis, il se distingue des autres dans la mesure où il s'agit essentiellement de chanson à texte au sens premier et non péjoratif du terme.
Bien sûr, il y a de la musique, mais des compositions simplissimes (piano ou guitare) et du chant, mais souvent du chanté-parlé ou du parlé pour une voix brute, émouvante parce que sincère.
L'intérêt premier donc, vous le subodoriez, réside dans les textes et impossible de ne pas en citer des extraits.
Bien sûr, l'ombre de Barbara plane sur "Le train du non-retour" jusque dans le rythme et celle du fumeur de gitanes sur "Sacha" gainsbourien jusque dans la scansion ("Sacha est allé à Elle, et en français, LA et là il rencontra Ella et Pamela under the sun L'une portait un gun en plastique l'autre une gaine aux motifs aztèques") mais il y a pire comme références.
Pour le reste, Chet manifeste un talent certain et une écriture singulière.
Des textes intimistes qui naviguent entre spleen romantique et réalisme post-moderne pour dire l'essence de la vie mais aussi sa fragilité et sa fugacité comme les paroles du titre "Hymne" qui donne son titre à l'album et le clôt : ("On va tous crever comme des ballons rouges, comme des petits abcès, comme de grosses baudruches, pas la peine de faire l'autruche ce sont des scène données/Le robinet d'oxygène s'ouvre mais les factures sont à payer…jusqu'à l'arrivée des mouches ").
Des portraits saisissants : avec "Chet", l'ode au trompettiste Chet Baker ("Il aura été romantique jusqu'au bout/Jusqu'au bout de la nuit/Pour délivrer de son étui/La femme qui le suivait partout"), le baudelairien "Close hotel" pour appréhender l'autre, le pathétique, le laid, l'ivrogne qui est peut être déjà lui, uni par l'alcool, la nuit et le désespoir ou le SDF de "Interdit de m'interdire" ("Moi mort de froid ? /Je suis mort de rire/Quand on est rien on ne craint pas le pire/On ne meurt jamais que de mourir").
Des textes graves mais non dénués d'humour à la Boris Vian ("Sacha et Guy trie ce qui leur reste de monnaie", Si nous naissons dans les choux c'est par les racines qu'on mangera les pissenlits", "Une paupière qui retombe aussi lourde qu'une paupiette de veau", "Avait-il croisé un chat noir avant de jouer les Chet de gouttière, Amsterdam est le cimetière du jazzman qu'était Baker", "Piquette ou hospice de Beaune/Je paie mes fractures en liquide").
Une thématique classique mais fondamentale Eros/Thanatos déclinée avec un verbe simple, riche en allitérations, souvent poétique.
Thanatos avec "La vie s'écoule" dérisoire ("La vie s'écoule/Relié aux paraboles/Hypnose stériles/Où le pire caracole/Aux regard puérils/Entre puits de pétrole/Entre rampes de missiles/Des corps se décollent/Livrés à domicile"), qui ne m'a "Rien appris" ("Avoir passé ma vie dépassé par le doute") et finit par " Le train du non-retour" avec une chute en pied de nez fourchue ("C'est fou comme je me sens bien/Dans l'eau rouge de mon bain/Je ne sens plus rien ni haine ni amour/J'attends le train du non retour/Et l'au-delà et l'eau mon Dieu/Pardonnes moi si je saigne un peu").
Eros avec l'amour du dieu libertaire de deux mètres ("Ciao"), l'amour filial (l'émouvant "Mon père"), l'amour défunt (la belle "Marion") mais aussi le sexe avec l'exubérant "Sacha" ("Sacha est un bout-en-train/A adepte du bout dans le train/Que ce soit debout dans son bain/Ou dans un bain de boue") et l'érotique "Baise-moi" ("Un peu de vernis à ongles et la voilà qui prend la chose en main/Elle presse sa prise et l'éléphant rose se dresse à sa guise dans un majestueux va-et-vient/Telle une geisha elle parle au mandrin ce n'est plus de l'art c'est de la science/Je sens dans son regard qu'elle n'en a pas conscience/C'est là tous le plaisir des joies et des jeux de l'innocence").
Chet a donc, presque en catimini et sans esbrouffe, placé la barre bien haute !
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