La soirée débute avec le concert de Simon Winsé, musicien burkinabé multi-instrumentiste dans une salle plutôt clairsemée. Accompagné d’un guitariste qui, pour le début de ce concert se fera percussionniste, c’est à l’arc en bouche que Simon Winsé entame son set, tout en douceur et sonorités apaisantes.
Après quelques titres en duo, les deux musiciens seront rejoints par un violoncelliste qui, de ses cordes, illuminera les sonorités africaines des instruments de Simon Winsé. Et c’est avec sa voix grave et chaude que le chanteur nous accompagnera tout au long de ce concert, il enchaînera les changements d’instruments et fera chanter un public qui n’attendait que d’être sollicité pour interagir avec les musiciens.
Les textes parlent des femmes et leur rendent hommage, de liberté et on ne peut s’empêcher de penser à un griot, passeur de messages à destination d’une audience très réceptive. Le public saluera le départ des musiciens avec une chaleur qui n’aura d’égal que celle qui leur a été diffusée tout au long de cette première partie, que beaucoup auraient aimé plus longue.
C’est ensuite l’entrée en scène de Zone Libre Polyurbaine, projet depuis quelques années de Serge Teyssot-Gay et Cyril Bilbeaud. Après un album instrumental (démentiel, il faut le dire) et deux albums avec des rappeurs au chant (tout aussi démentiels), la formule a de nouveau évolué pour ne garder que les deux musiciens et leur adjoindre les services de Marc Nammour (poète, rappeur) et Mike Ladd (lui aussi poète et rappeur).
Côté musical, le duo habitué à travailler ensemble jette les bases d’une exploration musicale, loin des formatages habituels, faite de rythmiques impaires créant un langage qui leur est propre. Cette mise en lumière sur les textes des deux poètes / rappeurs, (ces deux mots prenant tout leur sens mis ensemble) comme un complément, une pure évidence. Les mots, les corps, virevoltent et s’enchaînent entre les arpèges et rythmes des instruments et des voix comme une danse hypnotique, tellurique pourrait-on dire. Il y a de la place pour chacun, du temps pour tous, les uns s’effaçant pour laisser place aux autres, puis tout se mélange de nouveau pour un tourbillon de mots, de rythmes et de sons.
La bienveillance de certains textes contant la banlieue et ses souvenirs adolescents, telle une madeleine de Proust ou la rage d’un texte qui résonne particulièrement avec les élections approchantes, sont comme un grand écart, celui d’une vie et ses contrastes.
Et la surprise et la joie de Marc Nammour, d’entendre dans le public ses textes repris. Quant à Mike Ladd, son flow n’a d’équivalent que son énergie, son jeu de scène se complète à merveille avec celui de ses compagnons. Cyril Bilbeaud propose le rythme et Serge Teyssot-Gay, guitariste félin, s’en saisit pour enrober de ses notes de guitare tout ce petit monde dans la richesse de son jeu unique.
Il y a une énergie et une bienveillance perceptibles dans les regards échangés entre les musiciens, qui se transmet dans le public, il y a des vibrations qu’accompagnent les scansions des textes et de la musique. Il y a un respect palpable au travers de cette frontière imaginaire qu’est la scène qui, s'il en restait encore des traces, a de toute façon volé en éclat une fois que les premières notes l’ont traversée. Le groupe invite le public à partager un moment ensemble et boire un verre, et comme Mike Ladd le précisera, si besoin était, qu’on en a tous besoin ces temps-ci.
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