Autant vous prévenir tout de suite, cet Eric-Emmanuel Schmitt sait tout faire : dramaturge, romancier, nouvelliste, essayiste, cinéaste… Tout écrit succombe au charme de sa plume. Il est traduit, joué, mis en scène et copié dans près de 50 pays, rien que ça. Son talent n’est donc plus à prouver depuis longtemps.
Nous le découvrons ou le redécouvrons aujourd’hui avec La nuit de feu, plus intime, moins spectaculaire, plus mystique, plus sauvage… "Je suis né deux fois, une fois à Lyon en 1960, une fois dans le Sahara en 1989" a l’écho des sages paroles : "On a deux vies, la seconde commence quand on réalise qu’on n’en a qu’une". A méditer.
D’une plume légère et bienveillante, Eric-Emmanuel Schmitt revit sa métamorphose spirituelle avec ses lecteurs. En pleine conscience et sans jugement de valeur, il décrit le tempérament fougueux et rationnel qu’il portait en écharpe la vingt-huitième année de sa jeunesse. L’envie de voyage, le départ pour le Sahara, l’inconnu qui se dévoile sous ses yeux, la fascination que provoquent les mystérieux Touareg.
Puis c’est l’aventure, la caravane s’enfonce dans l’horizon désertique des étendues sablonneuses, fournaise le jour, polaire la nuit, les dangers, la prudence, l’aventure quoi… Les adages prétendent qu’on ne revient jamais intact du désert, rares sont ceux qui ont foi dans ces paroles avant qu’ils les prononcent eux-mêmes avec la conviction d’élus ayant accès au Graal.
C’est le cas d’Eric-Emmanuel Schmitt, reprenant les mots du philosophe Pascal, il se chrysalide lors de sa Nuit de feu et revient papillon, élevé au-dessus de sa conscience, muri et l’œil nouveau. Je vous laisse découvrir le cœur du roman, la retranscription irréelle de cette nuit particulière, les circonstances de sa naissance au dénouement lumineux.
En le lisant, on croirait presque que l’auteur cherche encore des réponses au pourquoi du comment, à la manière d’un élu de cieux bienveillants qui ne comprend pas son ancien moi, celui qui ne visualisait que de vagues ombres du fond de sa caverne poussiéreuse.
Et nous dans tout ça ? Que nous apporte donc la lecture de l’élévation spirituelle d’un autre ? Pourquoi se pencher sur l’irrationnel d’une foi invisible ?
Pour plusieurs raisons, simples mortels. D’abord, parce que ce témoignage penche en faveur de la sauvegarde de l’espèce humaine, il y a du bon en nous. Et puis parce que la sagesse est un Graal auquel chaque spécimen tend les bras. C’est un peu comme s’il avait compris ce que nous fichons sur cette planète (à part amasser des pécules sensés nous élever sur l’échelle sociale et nous satisfaire d’accumulations matérielles)…
La richesse de l’âme viendra quand nous serons prêts à nous abandonner notre confort précaire et nos idées capitalistes. Pas évident de lâcher prise dans le monde du contrôle total.
La nuit de feu est un émouvant témoignage qui bouscule les idées reçues, place à la douce spiritualité des moments exceptionnels. |