Réalisé par Eva Husson. France. Drame. 1h38 (Sortie le 13 janvier 2016). Avec Finnegan Oldfield, Marilyn Lima, Daisy Broom, Lorenzo Lefebvre et Fred Hotier.
Si le cinéma français sait traiter de la jeunesse ou de l'adolescence à travers les émois de quelques personnages, il est, en revanche, souvent incapable de restituer la vie scolaire, que ce soit au collège ou à l'université.
On avait, il y a deux ans, dit tout le bien qu'il fallait penser de "La Crème de la Crème" de Ken Chapiron qui contait de manière crédible et acérée les aventures de trois jeunes gens plongés dans l'âpre compétition des écoles de commerce. On avait souligné notamment qu'aucun des nombreux jeunes comédiens incarnant des étudiants n'était mauvais et qu'aucun personnage n'était une caricature.
"Bang Gang" d'Eva Husson pourrait à son tour recevoir les compliments faits à "La Crème de la Crème". Cette fois-ci, il ne s'agit pas d'étudiants mais de lycéens et le thème sous-jacent n'est pas la prostitution dans les grandes écoles mais les soirées très sexe organisées par ces jeunes gens de bonne famille originaire d'une ville tranquille de la côte atlantique.
"Soirées très sexe", c'est un euphémisme pour définir ces soirées où sous fond de drogue et d'alcool, les corps vont s'enchevêtrer dans une furie qui rappelle un peu celle qui saisissait les héroïne de "Spring Breakers" d'Harmony Korine. Dans son titre, Eva Husson a interverti les mots "Bang" et "Gang", mais fait référence à l'anglicisme "gang bang" qui permet de ne pas employer le terme francophone de "partouze"...
Et si l'on est un peu chochotte ou prude, il est conseillé de ne pas franchir le seuil de la belle maison isolée du jeune Alex, celle où tout va se passer et souvent se repasser. Car Eva Husson ne sera pas avare de figures horizontales ou verticales rassemblant de jeunes corps appétissants.
Mais, attention, que les pervers ne se pourlèchent pas trop vite les babines : "Bang Gang" d'Eva Husson n'est ni un soft porno ni un film érotique qui cherche à ne pas cacher ce que tout le monde veut voir. Elle réussit à filmer "normalement" les scènes "osées" et, comme on l'annonçait d'entrée, tous les jeunes gens y sont aussi naturels que dans les scènes de classe.
Outre ces moments qui feront parler du film, "Bang Gang" vaut d'abord pour sa description sociologique de cette France préservée des maux qui touche l'autre, celle des régions dégradées par le chômage, qui servait de cadre à "Chante ton bac d'abord" de David André.
Dans la ville non citée où se déroule "Bang Gang", on assiste au rêve sarkozyste ou hollandais, celui d'une union entre la bourgeoisie et les classes moyennes salariées. Si ces soirées sont possibles, c'est que les rejetons de la grande bourgeoisie sont laissés à eux -mêmes, pendant que les autres appartenant à des familles dé-ou-recomposés ont une vraie liberté de mouvement, surtout que, par ailleurs, ils peuvent être de bons élèves...
Dans "Gang Bang" d'Eva Husson, l'union des uns et des autres est évidemment bien métaphorique. La cinéaste décrit astucieusement combien tout cela repose sur un volcan prêt à se réveiller et son film est un joli suspense qui aboutira, ruse suprême, à un happy end subtilement moraliste.
Il est fort possible que de nombreux spectateurs refusent le sujet d'un film qui, mine de rien, comme celui de Kim Chapiron, dresse un constat pas très réjouissant de l'état psychologique d'une certaine jeunesse française.
Il faudra cependant se souvenir des jeunes acteurs qui illuminent le film d'Eva Husson, et notamment Finnegan Oldfield et Lorenzo Lefebvre, qui fournissent deux versions antithétiques du lycéen type.
Quant à Marilyne Lima, qui joue George la petite blonde faussement sulfureuse, on dirait une Lou de Laâge qui coucherait au lieu d'user de son beau sourire. A coup sûr, elle est déjà la révélation de l'année 2016.
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