Concert mis en scène Eric Lacascade avec Norah Krief sous la direction musicale de David Lescot avec les musiciens Fred Fresson, Philippe Thibault et Flavien Gaudon.
"Les plus beaux chants sont des chants de revendication" disait Léo Ferré, dont on pourra d'ailleurs entendre ici "les Anarchistes", dans une version émouvante, toute en retenue d'Eric Lacascade.
Spectacle dense, dont on regrettera la frustrante brièveté, "Revue Rouge" s'engouffre dans l'affirmation de Léo Ferré. Forte en gouaille, juste dans ses expressions, capable de passer de l'allemand à l'espagnol, Norah Krief tient la scène avec l'ardeur d'une militante révolutionnaire.
S'adressant à un public pas toujours très féru en histoire sociale, la "Revue rouge" sait se faire didactique, grâce à d'astucieuses vidéos qui défilent sur les instruments de musique ou derrière les musiciens.
Essentiellement composée de chants antérieurs à 1945, la revue ne se prive pourtant pas de l'électricité et il faudrait être un puriste rigoureux pour se plaindre que Montéhus, comme les chants républicains espagnols, soient présentés dans des versions rock, dégageant une énergie vraiment contagieuse. Avec sa bande de guerriers, Fred Fresson au piano, Philippe Thiébaut à la basse, Flavien Gaudon à la batterie et David Lescot, à la guitare et à la trompette, Norah Krief part à la charge !
Mais, dans ce tour d'horizon homogène, où "El pueblo unido" voisine avec les chansons de Brecht et d'Eisler, on est soudain gêné par l'irruption incongrue des... Pussy Riot. Les néo-punkettes russes sont convoquées ici pour s'attaquer à la fois à la religion et au camarade Poutine, au risque de casser l'harmonie de la revue imaginée par David Lescot et Eric Lacascade.
Soudain, on perd le fil des révoltes nécessaires et on se demande pourquoi la modernité de la révolte est russe. Quid des rappeurs français "persécutés" pénalement au moindre mot de travers contre la police ? Pourquoi la seule chanson antireligieuse est-elle celle-là et pourquoi n'a-t-on pas eu le droit à ces charges contre les "corbeaux" dont étaient coutumiers les chansonniers montmartrois anarchistes ?
Et puis, si Montehus est convoqué, il ne l'est pas dans sa spécialité : l'antimilitarisme. En ces temps d'état d'urgence, où le drapeau français et la "Marseillaise" sont devenus intouchables, rien contre la soldatesque, même d'antan.
On se demande finalement si cette "Revue rouge" n'est pas un peu frileuse, un peu trop "politiquement correct". Si Léo Ferré est de la partie avec "Les Anarchistes" dans une version peu martiale, aurait-il pu l'être avec sa "Marseillaise" où il fustige le chant de guerre de l'armée du Rhin devenue hymne patriotique menant les soldats au casse-pipe ?
On n'ira pas plus loin dans ce débat pour l'instant miné et l'on recommandera à tous ceux qui aiment la chanson à texte de venir communier à cette "Revue Rouge", en espérant que ces chansons rythmeront bientôt des temps meilleurs et pas seulement la nostalgie de combats révolus. |