Monologue dramatique d'après la nouvelle éponyme de Stefan Zweig interprété par Alexis Moncorgé dans une mise en scène de Caroline Darnay.
Le succès théâtral de Stefan Zweig ne se dément pas et, paradoxalement, alors qu'on ne joue presque plus ses pièces, ce sont les adaptations de ses romans ou de ses nouvelles qui lui valent cette gloire posthume.
Après "24 heures dans la vie d'une femme", "La Pitié dangereuse" et "Lettre d'une inconnue", c'est au tour d'"Amok" de faire l'objet d'un brillant "seul en scène".
Au fond, le style narratif de Zweig se prête bien à l'exercice... à condition qu'il soit servi par des comédiens capables de tenir le public en haleine, de rendre vivants ses récits, et de leur restituer aujourd'hui leurs enjeux d'hier, c'est-à-dire de les libérer de leur gangue "austro-hongroise".
Dans le cas d'"Amok", le travail conjoint d'Alexis Moncorgé et de Caroline Darnay permet d'éviter tous les écueils.
Une fois lancé à plein régime dans la reconstitution d'un destin pétri par la plus sombre fatalité, Alexis Moncorgé tient son auditoire suspendu à ses lèvres, et Caroline Darnay n'a pas besoin de multiplier les effets pour lui créer un écrin de pénombre, un cadre opaque dans lequel il va s'enfoncer irrémédiablement dans cet "amok", cette folie amoureuse dont la moindre piqûre est mortelle.
Comme toujours le personnage imaginé par Zweig, ici le docteur Holk, estime que l'honneur est la valeur suprême. Qu'importe son passé erratique et ses fautes qu'il est venu expier dans la moiteur malaise, il intériorise en lui le code d'honneur de l'aristocratie Habsbourg.
Sans doute, on pourra y être plus ou moins sensible, et regretter que ce long récit sur fond suranné colonial ne soit pas transcender par quelque chose de fantastique, un peu comme dans "Le jardin des supplices" d'Octave Mirbeau.
Mais la force de l'interprétation d'Alexis Moncorgé rend caduque ce bémol : c'est une vraie performance d'acteur qu'il accomplit, une performance qui n'est pas, loin de là, à la portée de tous ses confrères et qui marquera ceux qui la verront. |