Spectacle d'après l'oeuvre éponyme de Voltaire, mise en scène de Maëlle Poesy, avec Caroline Arrouas, Gilles Geenen, Marc Lamigeon, Jonas Marmy et Roxane Palazzotto.
Avec "Zadig", "Candide" est le roman philosophique de Voltaire le plus célèbre. Sans doute, parce qu'il peut se lire également comme un roman d'apprentissage, bourré d'humour et de péripéties.
C'est avant tout cet aspect qu'ont retenu Maëlle Poesy et Kevin Keiss dans leur adaptation scénique.
Menée tambour battant, cette version trépidante se suit sans ennui aucun. La petite troupe de cinq jeunes comédiens ne se pose pas de questions philosophiques et fait fonctionner avec des bouts de ficelle et beaucoup d'astuces ce divertissement plutôt réussi.
Evidemment, les puristes de Voltaire restent, dès le sous-titre ("et c'est ça le meilleur des mondes") sur leur fin et se demandent si Maëlle Poesy et Kevin Keiss ont tout compris de l'enjeu philosophique qui traverse "Candide", c'est-à-dire de la controverse entre Voltaire et Leibniz.
"Candide", en fait, est une critique de la philosophie de l'harmonie préétablie qui triomphait alors. Leibniz y affirmait que le monde présent est le meilleur des mondes possibles puisqu'il est l'oeuvre de Dieu. Dans son roman, Voltaire crée le personnage du Docteur Pangloss, précepteur de Candide, qui soutient mordicus les théories de Leibniz, même après avoir traversé les pires catastrophes.
Que Maëlle Poesy et Kevin Keiss aient transformé Pangloss en femme n'est pas très dérangeant. En revanche, que la "Doctoresse" Pangloss ait perdu tout sens philosophique pose davantage problème.
Que reste-t-il du raisonneur raisonnant sur tout et n'importe quoi ? Dans le film de Norbert Carbonnaux, Candide (1960), c'est Pierre Brasseur qui interprétait le Docteur Pangloss. On imagine bien comment, à l'aide sa voix grave, ce monstre sacré se délectait de la fatuité du professeur de Candide et, même dans cette adaptation cinématographique édulcorée et grand public, on avait droit à une leçon de philosophie légère.
Ce qui n'est pas du tout le cas aujourd'hui et quand, à la fin de ses aventures, le "Candide-Tintin" de Maëlle Poesy et Kevin Keiss prononce la phrase tant attendue : "il faut cultiver notre jardin", il doit la répéter plusieurs fois puisqu'elle ne lui apparaît pas plus qu'au spectateur comme la logique conclusion de son périple.
Tant pis, donc, pour la philosophie de Voltaire. Il faudra en faire le deuil et se contenter d'avoir passé une bonne heure et demie enlevée et distrayante. |