Comédie de Chloé Lambert, mise en scène de Julien Boisselier, avec Julien Boisselier, Raphaëline Goupilleau, Chloé Lambert et Ophelia Kolb.
Il y a deux ans, un film américain,"In the family" de Patrick Wang, hélas pas assez vu, prouvait, en assumant sa théâtralité, que le thème de la "médiation familiale" pour déterminer qui devait avoir la garde d'un enfant, pourrait fournir l'argument d'une pièce.
Ce que Patrick Wang réussissait outre-Atlantique dans une optique dramatique, Chloé Lambert le démontre avec "Médiation" sous l'angle de la comédie.
Aux larmes qui accompagnaient le film, elle a substitué le rire, sans toutefois se priver d'emprunter, au fur et à mesure que se déroule la médiation, les voies de l'émotion, une émotion contenue et qui se refuse aux facilités mélodramatiques.
La grande force de "Médiation" réside à la fois dans la simplicité de son point de départ, un couple se sépare et tente de s'entendre sur le partage de la garde d'Archimède, leur fils unique de trois ans, et dans la compréhension que cet argument linéaire, qui aurait suffi à nourrir une comédie moyenne, devait se combiner avec une autre intrigue pour prendre toute sa mesure.
Les deux combattants de l'amour perdu ne devaient pas simplement s'affronter sous le regard d'un médiateur arbitre. C'est pour cela, qu'elle a eu l'idée qu'il y ait autant de juges que de parties et que les deux médiatrices faisant face aux plaignants devaient avoir une histoire commune, qui, peu à peu, pouvait prendre corps et gagner en importance face au couple Chloé Lambert-Julien Boisselier.
Dès lors, l'enjeu des trois séances de conciliation auxquelles on va assister n'est pas de simplement connaître le résultat factuel de la médiation - même si cela s'opère au prix d'un suspense assez jouissif - mais c'est avant tout un très large questionnement sur ce que vivre ensemble veut dire.
Grâce à une écriture d'une grande qualité, un réel sens de la réplique qui fait mouche, Chloé Lambert gagne son pari. Héritière de la comédie cinématographique italienne d'antan, elle mêle les situations drôles et les moments de réelle tension. Dans ce contexte, elle permet à ses partenaires d'avoir tous de quoi jouer.
Julien Boisselier, par ailleurs maître d'oeuvre d'une mise en scène sans temps morts, est un mari élégant et farfelu, égoïste et de mauvais foi, qui n'a qu'un véritable tort : il ne sait pas aimer simplement ou simplement aimer. Plein de charme, Boisselier est de la race en voie de disparition des acteurs sympathiques qui savent se rendre odieux.
Chloé Lambert ne s'est pas ménagée en jouant les femmes bafouées et les mères excessives. Elle a su construire un personnage dont on doute parfois de la sincérité et qui évolue dans les nuances là où d'autres sombreraient dans la caricature.
Les deux médiatrices forment un couple aussi fort que l'autre. Ophelia Korb a su transformer un personnage qui n'aurait pu être qu'anecdotique en véritable moteur de la pièce. Quant à Raphaëline Goupilleau, elle acquiert, dans son rôle de juge pas si arbitre que ça, l'épaisseur des grandes comédiennes matures capables de tout et se hisse au niveau d'une Popesco ou d'une Maillan.
Avec ce texte qui a l'intelligence de l'évidence, ces comédiens qui sont poussés à leur meilleur, on a tout de suite une sensation de plénitude et la certitude qu'on va passer un agréable moment. Chloé Lambert tient là les rênes d'un spectacle qui devrait attirer les spectateurs avant de collectionner les Molière. |