Réalisé par Rémi Lange. France. Drame. 1h40 (Sortie le 27 janvier 2016). Avec Thomas Polly, Thérèse Lanfranca, Annie Alba Rôle, Philippe Barassat, Ivan Mitifiot, Sophie Blondy, S-Dep et Anouchka Csernakova.
Rémi Lange est un acharné. Envers et contre tout, il poursuit depuis vingt ans déjà une route cinématographique semée d'embûches qu'il peuple de pépites délicates qui restent dans la mémoire de ceux qui sont allés les explorer.
Depuis son premier long métrage, "Omelette" (1998), il pratique un cinéma du moi, où il se met souvent à nu sans impudeur et une immense sincérité. "Le Chanteur", son sixième long métrage, marque peut-être un tournant dans son œuvre, puisqu'il est moins immédiatement biographique, bien que, sans doute, Rémi Lange pourrait dire "Thomas Polly, c'est moi".
Car raconter comment un jeune homme sensible, hanté par l'envie de chanter et de s' y affirmer conforme à ce qu'il est, ça n'est pas sans correspondance avec la vie d'un cinéaste sans concession.
Constamment à l'écran, Thomas Polly est un personnage lumineux, droit, qu'on pourra parfois juger injuste et excessif dans ses colères, mais qui répand autour de lui par ses mots et sa voix l'écho de son besoin d'amour. Qu'il s'agisse d'une histoire totalement inventée ou de la réalité de son parcours, on suit avec empathie Thomas Polly quittant, la guitare en bandoulière, sa province pour tenter sa chance à Paris.
"Le Chanteur" de Rémi Lange a le charme des récits d'apprentissage où le héros riche en illusions va, après bien des déboires et aussi de belles rencontres, trouver son destin. Roman-photo, "Le Chanteur" de Rémi Lange tourne des pages émouvantes.
On n'oubliera pas Polly la SDF qui ouvrira sa tente et sa bouteille à Thomas seul dans Paris. On aimera Lola la chanteuse comme Fassbinder l'aurait aimé, elle qui donne sa première chance à Thomas. On comprendra tout l'amour maladroit de sa tante et de sa famille et l'on sera heureux que Thomas ne coupe pas les ponts avec ses proches et fier qu'il fasse fi de leur incompréhension parce qu'il les sait aimants derrière leur maladresse.
Tout au long du film, résonne la voix de Thomas Polly. Chaude, intense, déterminée, elle en fait un parent de Daniel Balavoine et Christoph Willem. Ses textes simples, directs, sans fioritures le saisissent tel qu'il apparaît à l'écran.
En quête de lui-même, il se réalise dans ses chansons et c'est sans aucune ostentation ni feinte douleur qu'il commence à s'habiller en femme pour chanter. Au fond, "Le Chanteur" de Rémi Lange décrit une quête de liberté, celle que Thomas Polly finit par avoir au prix souvent fort de son corps vendu.
En jupe ou en jean, avec ou sans perruque blonde, Thomas Polly est une révélation pure que la caméra complice de Rémi Lange a le grand mérite d'éclairer. On lui souhaite de franchir les cercles LGBT car il est incontestablement fait pour chanter, fait pour y trouver une place indiscutable.
C'est aussi ce que l'on espérera pour Rémi Lange. Avec un film fragile, il sait montrer toute la détermination d'un homme passionné par la musique et, mieux encore, en faire un être inoubliable. |