J'ai découvert Savages peu avant leur enthousiasmant premier album Silence Yourself. Ce disque explosif fait partie de ceux qui ont imprimé une belle trace dans ma vie. Une claque en pleine face qui m'a laissée un moment étourdie, provoquant un quasi bonheur orgasmique. La rage nerveuse qui s'en dégageait m'a littéralement fascinée, l'univers noir et tendu captivée, l'imaginaire suggéré par cette bande de filles hurlantes, vêtues de noir m'a séduite. Le choc a été tellement puissant qu'après m'en être relevée, et avoir digéré cette découverte, je n’espérais pas grand chose de la suite. Il faut avouer qu'après une telle réussite, le cap du second album est on ne peut plus périlleux.
Savages est un quatuor franco-britannique, composé de la chanteuse Jehnny Beth, de Gemma Thompson à la guitare, d'Ayse Hassan à la basse et de Fay Milton à la batterie. Le groupe a beaucoup tourné cet été, et ses apparitions ont fait sensation lors des festivals estivaux (notamment en France à la Route du Rock). Le charisme débordant de Jehnny Beth a littéralement emballé un public comblé, au bord de l'hystérie. Mes craintes un peu dissipées, et ma curiosité titillée, j'ai osé espérer un deuxième album à la hauteur de ce que j'avais pu entendre lors des concerts.
Venons-en au fait. Adore Life donc, le deuxième album, a été produit par Johnny Hostile, le compagnon de Beth, avec la participation de Richard Woodcraft au son et de Anders Trentemöller au mixage. Le groupe raconte l'avoir envisagé plus positif et plus apaisé que le précédent, avec un thème central : l'amour. Jusque là rien de bien original, sachant qu'il s'agit du thème commun d'à peu près 90% de la production pop/rock.
C'est avec une certaine fébrilité, à la fois inquiète et impatiente, que j'ai abordé la première écoute de Adore Life. Une chose est sûre : l'énergie est là, belle et brute. Cette énergie héritée du post-punk, dont Savages ne cache pas sa filiation. L'ombre de Siouxsie plane toujours invariablement en arrière-plan et aussi un peu celle de Joy Division que l'on retrouve dans quelques moments de l'album, un peu subrepticement. La basse est omniprésente, les guitares incendiaires, et le chant terriblement habité. Tout cela c'est un peu leur marque de fabrique depuis le début. Mais si l'urgence se fait effectivement moins sentir que sur Silence Yourself, la tension est toujours là, bien présente, derrière cet apaisement précaire. Des chansons d'amour d'où se dégagent, de la noirceur mais aussi une réelle sensualité et une tension sexuelle presque palpable. Adore Life a cette ambivalence délicieuse de la douceur électrique, comme un velours qui piquerait un peu la peau. Pas de fragilité ni de mièvrerie dans ce récit de l'amour non, mais une sensibilité sombre et froide.
La pochette est sublime, avec ce gris glacé et ce poing levé, symbole du combat, de la résistance, de la lutte. Mais ce poing évoque aussi le choc ou la claque (pour en revenir au début) qui atteint en plein cœur ou en plein visage.
Du bruit, de la douceur, de la beauté pour cette belle réussite qui ne demande qu'une suite pour asseoir véritablement Savages dans la cour des très grandes.
Avec la mort de Lynch, c'est un pan entier de la pop culture qui disparait, comme ça, sans crier gare. Il reste de toute façon sa discographie qui n'a pas attendu sa mort pour être essentielle. Pour le reste, voici le sommaire. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !