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Le Petit Ney  (Paris)  vendredi 12 février 2016

On l’avait découvert avec stupéfaction au Limonaire un soir d’août 2015, en co-plateau avec Laurent Berger. Puis adoré sur son premier album Rubato. Une fois l’effet de surprise passé et les chansons en tête, on était curieux de le revoir, pour vérifier si le coup de foudre hilare de la première fois (LOL at first sight) perdurait ou devenait autre chose, une fois familiarisé avec son univers décalé.

Le Petit Ney est un café littéraire : en toute logique, Ingueneau commence donc par dire un poème (soi-disant écrit dans le métro, mais qui figure en réalité en version orchestrée sur le disque). Le léger surréalisme du texte, contrebalancé dans l’album par une musique lourde et agressive, marche aussi a capella et démarre la prestation entre douceur et sourire. A capella encore – dans un si petit lieu, avec un public à portée de main, c’est un mal pour un bien – il chante "J’aime l’air", construit autour d’un gimmick maracas-voix irrésistible, et doté d’une mélodie tellement évidente qu’elle reste immanquablement en tête, légère comme l’air (c’est le cas de le dire) tandis que le texte, faussement dérisoire, célèbre les petits riens de la vie avec une touche d’absurde qui en rehausse encore le goût.

Il rejoint ensuite le piano. Le reste du concert sera amplifié, mais on n’y gagne pas forcément au change : la sono est disproportionnée pour un tel endroit (à côté, le Limonaire c’est la salle Pleyel !), et le chanteur-musicien, à son corps défendant, gagne en puissance ce qu’il perd en subtilité.

Plusieurs nouveautés sont au programme : une chanson sur une visite au musée polluée par les palabres de trois bonnes femmes péniblement branchées alors que le narrateur vient "chérir l’humilité" devant les toiles de maîtres. Une rengaine faussement adolescente (et vraiment drôle) ironisant sur les clichés variéto-romantiques : "Toi, tu danses avec les chaussures de l’amour / Toi, tu glisses sur les glaciers de Singapour / Mais tu n’y as jamais mis les pieds / Et puis tu le sais bien / Y’a pas d’glaciers à Singapour / Ce n’est qu’une imaaage". Ce qu’il y a de fort (au-delà de la sono), c’est qu’une chanson aussi bête a priori puisse en fin de compte s’avérer émouvante, par la grâce de la mélodie.

Il enchaîne sur un autre texte censé (selon lui) charmer les filles : "La Botte du fou", avec rimes mignonettes (cou, genou, caillou, etc.). Gamin, léger, tout en notes piquées ; encore une mélodie très simple a priori, sur laquelle le chanteur finit par exploser en onomatopées scat. Un autre inédit lui succède, démarrant par un vers improbable : "Mon cœur est une éponge qu’il convient d’essorer". On imagine une parodie… et puis non. La chanson, vraiment d’amour, cette fois, est parasitée par une spectatrice dure d’oreille qui parle tout haut à son voisin – et agira ainsi pendant toute la soirée, troublant parfois le chanteur, qui réussira in fine à rebondir sur ses interventions intempestives pour en rire et faire son miel. Là encore, il finit par des vocalises purement musicales, pour pimenter un texte empli d’images poétiques plus traditionnelles (ce qui ne veut pas dire banales) que d’ordinaire.

Interlude : il imite un pianiste pénible qui explique son art en anglais yaourt. Puis, surprise : "Aline" ! Oui, la scie devenu standard, du yéyé devenu branché (Christophe). Il ironise sur les effets crooner, amplifie le larmoyant du slow, devient gueulard, yaourtise ou scatte, distend dangereusement la mélodie, avant de retomber sur ses pieds en douceur. Ca marche. Le public est aux anges. Malgré la dérision, on est touché ; la chanson est suffisamment bien faite pour subir ça. Il y a une sorte de respect dans la déconstruction : même pasticheur, Ingueneau reste étonnamment musicien, ne tombe pas dans la facilité mais regorge d’idées pour rendre à nouveau excitant un slow a priori archi-rebattu.

La suite revient au disque : "Mon Eternelle" (avec le mot d’ordre "allez déconstruisons" qui pourrait résumer sa démarche artistique), suivi d’une dispute-sketch entre l’artiste famélique et sa virago qui l’assassine de reproches, de plus en plus hystérique et drôle. Puis "Choux fleur", recette poético amoureuse (toujours teintée d’absurde) envoyée plus doucement que sur disque, contraste parfait avec l’engueulade qui précédait.

"Coquillages", chanson fantaisiste boby-lapointesque à tout berzingue, est suivie par un "Bel canto" à la manière des chanteurs roucoulant pour les jolies clientes des restos à touristes. Ingueneau, avec sa mini guitare, passe entre les tables et fait du gringue à tout un chacun : personne n’est à l’abri, mais on jubile – d’autant que derrière la dérision affichée, la mélodie est encore une fois imparable. Il finit par une adresse à la Johnny : "C’est pas moi qui suis bon… c’est vous !". Entre deux titres, la vieille dame dure d’oreille décalée interpelle le chanteur et réclame "Bambino, Bambino !". Un ange passe…

Le temps de reprendre ses esprits, Ingueneau redevient multi-instrumentiste avec une curieuse combinaison piano-percussions : c’est "Le Mousse", plus pétaradant encore que sur disque, achevant sur un solo de batterie furieux qui met tout le monde à terre. Il enchaîne sur son slow à lui, "Mon mombre" (orthographe étrange mais véridique), avec ses rimes riches (pénombre, concombre), ses ruptures de ton (tantôt crooner ou psychopathe, tantôt allemand en anglais ou anglais en allemand, on ne sait plus). Il accole un poème à la fin de la chanson ("Quand au soleil je me dénude / Je suis un lion des mers échoué avec l’écume / Je gis comme une méduse crevée, je brûle"). Cette fois encore, malgré l’absurdité des paroles, c’est costaud musicalement : un slow pour rire… mais un bon slow.

Comme au Limonaire, il termine sur un solo de saxophone – un duo, en fait, entre lui et lui, qui pianote un riff d’une main et se répond en soufflant. Envoûtant. Malgré le crachin aggravé des hauts parleurs, la subtilité du musicien est enfin palpable, et achève le spectacle sur une émotion dont on ne saurait dire si elle est jazz, blues, classique, contemporaine… Exit les étiquettes : le temps est suspendu à la mélodie qu’il semble improviser (mais est-ce réellement le cas ?).

Il revient tout de même, en rappel, avec un dernier texte (simplement dit), qui rejoint les débats politiques récents sur la précarité, tout en revendiquant son pas-de-côté poético-absurde : "Et je suis sans menue monnaie, sans berline et sans pouvoir / Ma révolte sera pour après, pour l’instant je mange un boudoir / Si bon Dieu on m’avait appris à être un révolutionnaire / J’aurais gueulé et j’aurais pris la parole devant mes pairs". Avant de finir sur ce que l’on peut (chacun voit midi à sa porte) interpréter comme une adresse au PS en état de déliquescence libérale : "Quand les roses seront fanées / Quand elles n’auront plus rien à boire / Quand les roses seront fanées / Et attendre qu’il pleuve un soir / Quand les roses seront fanées / Et s’étendre dans l’isoloir".

Au final, le spectacle était moins rentre-dedans que six mois plus tôt au Limonaire (où le co-plateau obligeait à aller droit au but), mais réservait tout de même de belles surprises. Malgré une sonorisation éprouvante, l’artiste a pu faire entendre sa singulière et puissante musicalité, pour présenter les nouvelles chansons qui figureront probablement sur un prochain disque. Les morceaux de Rubato, quant à eux, tiennent plutôt bien la route, même déshabillés et joués avec trois fois rien.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique de l'album Rubato de Patrick Ingueneau


En savoir plus :
Le site officiel de Patrick Ingueneau
Le Soundcloud de Patrick Ingueneau
Le Facebook de Patrick Ingueneau


Nicolas Brulebois         
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# 24 mars 2024 : Enfin le printemps !

Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.

Du côté de la musique:

"Dans ta direction" de Camille Benatre
"Elevator angels" de CocoRosie
"Belluaires" de Ecr.Linf
"Queenside Castle" de Iamverydumb
"Five to the floor" de Jean Marc Millière / Sonic Winter
"Invincible shield" de Judas Priest
"All is dust" de Karkara
"Jeu" de Louise Jallu
"Berg, Brahms, Schumann, Poulenc" de Michel Portal & Michel Dalberto
quelques clips avec Bad Juice, Watertank, Intrusive Thoughts, The Darts, Mélys

et toujours :
"Almost dead" de Chester Remington
"Nairi" de Claude Tchamitchian Trio
"Dragging bodies to the fall" de Junon
"Atmosphérique" de Les Diggers
quelques clips avec Nicolas Jules, Ravage Club, Nouriture, Les Tambours du Bronx, Heeka
"Motan" de Tangomotan
"Sekoya" de Tara
"Rita Graham partie 3, Notoriété", 24eme épisode de notre podcast Le Morceau Caché

Au théâtre

les nouveautés :

"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille

"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche

et toujours :
"Lichen" au Théâtre de Belleville
"Cavalières" au Théâtre de la Colline
"Painkiller" au Théâtre de la Colline
"Les bonnes" au théâtre 14

Du cinéma avec :

"L'innondation" de Igor Miniaev
"Laissez-moi" de Maxime Rappaz
"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz

"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle

"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
et toujours :
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"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

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"Mirror bay" de Catriona Ward
"Le masque de Dimitrios" de Eric Ambler
"La vie précieuse" de Yrsa Daley-Ward
"Le bureau des prémonitions" de Sam Knight
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Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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